Je voulais savoir ce qui m’était arrivé à la naissance. Martin
A sa naissance en 1957, Martin manquait de sang. Le groupe sanguin de ses parents étant incompatible, c’est une sage-femme qui lui a donné son sang. Sans elle, il n’aurait pas pu vivre.
J’ai été avec cette femme relié à la vie par son sang. J’ai le sang de cette femme dans les veines. Martin
Pendant soixante-ans, Martin tente de retrouver celle qu’il considère comme une seconde mère.
Maelle est sage-femme. Elle a vu naître des milliers d’enfants. Elle en a oublié certains, d’autres l’ont marquée à jamais. Lorsqu’elle exerce à Mayotte, son travail prend une tournure quasi-politique.
A Mayotte, où l’immigration illégale est forte, on devait interroger les femmes enceintes pour déterminer si elles devaient rester sur l’île ou repartir. Maelle
Une collègue m’a dit : "Ne te laisse pas apitoyer parce que si tu leur donnes une main, elles te prennent le bras. Moi je ne les examine pas.” J’avais la sensation d’être là pour réguler l’immigration. Maelle
Maelle raconte ensuite l’histoire, à son retour en France, d’une jeune femme qu’elle a aidé à accoucher sous X.
Elle mourrait d’envie d’avoir sa fille dans les bras. En partant, je ne pense pas qu’elle ait douté de sa décision. Elle a vraiment pris le temps de dire au revoir à son bébé. Maelle
- Reportage : Elise Andrieu
- Réalisation : Clémence Gross
Merci à Martin et Maelle, à Clémence, et Valentin Bobinet (technicien duplex Paris) et Sylvain Barecéti (technicien duplex France Bleu Roussillon).
Le film qu'a réalisé Martin s'intitule Sage-Femme. Il est sorti en 2017.
Chanson de fin : “Good Friday” par CocoRosie - Album : La Maison de Mon Rêve (2004) - Label : Touch and Go Records
Des Nouvelles
Martin vient de perdre sa mère qui avait 93 ans. Il l’a accompagné durant les dernières années de sa vie, jusqu’au moment de sa mort. Ses derniers mots ont été « Maman »... Martin est persuadé qu'avec le sang de la sage-femme qui coule dans ses veines, il connaît les gestes qui accompagnent le début et la fin de vie, comme s’il y avait eu une passation.
Maelle est toujours sage-femme et continue d'exercer avec passion. Depuis notre rencontre, la naissance qui l’a le plus marquée est celle de son propre fils, son troisième enfant. Pour la naissance de ses deux premiers enfants, elle n’avait pas réussi à accoucher comme elle le souhaitait. Pour son troisième enfant, sa propre mère est morte alors qu’elle venait d’apprendre qu’elle était enceinte. La grossesse mêlée au deuil, le fait de savoir que la vie peut s’arrêter à tout moment a poussé Maelle a vivre la naissance telle qu’elle se présentait. Elle a accouché de façon naturelle et physiologique comme elle en avait toujours rêvé. « Vivre une grossesse endeuillée, ça a été une spirale d’amour, j’ai du apprendre à la fois à accueillir et à perdre », dit-elle, « ça m’a réaligné ». `
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