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François Sureau : "A la question pourquoi écrivez-vous ? La réponse est probablement parce que quelque chose ne va pas"

Emmanuel Laurentin
Diffusé le samedi, 25 juillet 2020 (59 min)


Avocat et homme d'État, l'écrivain-romancier François Sureau est entré en littérature à la fin des années 1980 pour "limer l'écorce du monde et le rendre plus habitable". Au micro d'Emmanuel Laurentin, il évoque cette vocation, sa passion ambiguë pour le surréalisme et sa fascination du réel.


François Sureau Avocat, écrivain, poète, membre de l’Académie française



   
Provient de l'émission
Les Masterclasses

Au programme
  • François Sureau aime brouiller les pistes, en mêlant son goût pour certains classiques à ses coups de gueule contre l'injustice de ce monde, parler à la fois de son désir de liberté et d'un besoin d'ordre qui le conduit parfois à rejoindre la réserve opérationnelle de la légion étrangère, une expérience qui selon lui a "à voir confusément avec la littérature" et "pousse à l'incandescence de la nature humaine".

    Depuis La corruption du siècle, publié en 1988 jusqu'à L'Or du temps qui vient de paraître aux éditions Gallimard, il a construit une œuvre récompensée de nombreuses fois, une œuvre qui décrit l'impétueux, le changeant et qui valorise le déplacement.

    Pour cette Masterclasse, c'est donc le romancier et écrivain qui s'entretient avec Emmanuel Laurentin, et non le conseiller d’État et l'avocat qui bataille pour les libertés publiques.

    Écrire pour soulever le voile de l'apparence

    J'ai beaucoup décrit des personnalités étrangères dans mes romans parce que j'ai toujours eu depuis l'enfance cette impression assez étrange de me trouver comme disait Aragon "en étrange pays dans mon pays lui-même". Ceci est à mettre en parallèle avec une impression qu'il existait un voile des apparences posé sur les choses, qui nous appartenait d'écarter chacun pour notre compte : les écrivains en écrivant, ceux qui n'écrivent pas, en vivant leur vie du mieux possible mais que cette vie là que nous voyons, la vie courante était apparente. Et derrière cette vie, il en existait une autre. Au fond, le travail de la littérature consistait à discerner sous cette vie, la vie réelle. C'est une chose que l'on fait souvent mieux en se déplaçant. (...) A la question pourquoi écrivez-vous ? La réponse la plus simple est probablement parce que quelque chose ne va pas. Si tout allait, je pense qu’on n'écrirait pas. Ces promenades que j'ai continué à faire de manière quotidienne, sont une façon d'habiter le monde et de me réconcilier avec lui, et de ne pas me satisfaire de l'apparence qu'il se donne.                      
    François Sureau

    Traverser les apparences

    L’ambiguïté de ma relation avec le surréalisme est que d'un côté je trouve ça passionnant et c'est ce qui a le plus stimulé mon imagination de jeune homme par la révélation existentielle que ça m'a donné et en même temps le surréalisme m'est toujours apparu comme une sorte de pastiche légèrement kitsch du mysticisme. Je me suis dit "c'est quoi quelqu'un qui décide de réellement traverser les apparences ?". Ignace, puis Foucault m'ont fasciné par l'effet de mise en danger absolue et existentielle, que même les surréalistes n'ont pas eu.  (...) Mysticisme et littérature ne font pas bon ménage. La littérature est l’œuvre de quelqu'un qui n'est pas détaché des réalités de ce monde. (...) Je voulais imiter Breton, Apollinaire, Rimbaud. Ça a raté, celui qui veut imiter Rimbaud, et qui finit au Conseil d’État, ce n'est pas brillant. Ma vocation d’écrivain est née, non pas par la lecture des œuvres, mais de l'impression produite sur moi par la vie des écrivains.                    
    François Sureau

    "Entrer en littérature" pour vivre en se regardant vivre

    Entrer en littérature, ce n'est pas un bon terme car on a l'impression qu'il y a eu un avant et après. J'ai toujours eu l'impression que j'avais toujours été un écrivain, que j'avais été fait pour faire ça, et que ma seule manière de vivre était de vivre en se regardant vivre. Je me suis jamais senti quelque chose d'autre que ça. Ça m'a absolument privé de toute ambition, j'ai jamais voulu faire de politique, occuper la première place. Et c'est la littérature qui m'aura fait vivre toute ma vie en voyageur. (...) On écrit des poèmes comme on chante, j'écris pas de la vraie poésie. J'ai écris des choses dictées par mon amour de deux ou trois poètes : Apollinaire, Blaise Cendrars et La Tour du Pin. Je leur ai emprunté leur musique pour parler de choses qui m'étaient chères. Le seul endroit où j'ai évoqué la guerre, c'est dans la poésie. Dans toute vie d'écrivain, il y a cette idée que si le monde n'est pas habitable sans littérature, sans poésie, c'est qu'il est trop difficile sans ça, et qu'il faut limer l'écorce du monde pour le rendre habitable, et c'est ça qui fait écrire.                    
    François Sureau

    Cette Masterclasse a été enregistrée le jeudi 30 janvier, à la BNF, en public, dans le cadre de la Nuit des Idées.

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Masterclasses carré
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  • Radio France
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