Le 16 décembre 1871, Louise Michel entre dans la lumière de l’histoire, jour de sa comparution devant le conseil de guerre qui juge les communards. On trouve, dans les archives, le détail de son procès. Comme celui du jugement d’autres femmes de la Commune, "les pétroleuses" disait-on alors, accusées d’avoir mis le feu à Paris. "Elles sont pires que le pire des hommes", tonnent leur procureurs, car une femme qui sort de son rôle de mère et d’épouse fait vaciller la société toute entière. Et on le leur a bien rendu : toutes ont été volontairement effacées par l’histoire.
Seul le nom de Louise Michel a traversé les siècles. Pourquoi ?
"Quel est le mobile qui a poussé Louise Michel dans la voie fatale de la politique et de la révolution ?" martèle l’accusation à son procès.
C’est l’occasion de revenir sur son enfance. De plonger dans ses mémoires écrites en prison, comme dans sa correspondance avec Victor Hugo. Car, c’est au poète, alors lointain pair de France, qu’adolescente, elle raconte le mystère de sa naissance dans des lettres écrites comme on jette des bouteilles à la mer.
Elle est née dans un vieux château de Haute Marne, fille naturelle d’une servante et de père inconnu. Mais soit elle est l’enfant du fils du châtelain, soit celle du châtelain lui-même, vieux notable converti aux idéaux de la révolution qu’elle considère comme son grand-père, et qui la traite comme sa petite fille et l’instruit.
A la froide vérité de sa condition, elle préfère d’emblée le songe et l’écriture. Se fondre dans la grande cause de tous les hommes, portée par son siècle, gorgé de poésie et d’utopies.
Elle devient institutrice pour mieux détourner le cours de son destin. Louise Michel s’en va vers la capitale à peine remise des révolutions et des bains de sang de 1848, s’installe dans un Montmartre bouillonnant et populaire en butte à l’Empire, où germe le mot socialisme. Elle se rêve écrivaine. Refuse le mariage. Continue d’écrire à Victor Hugo exilé à Guernesey. Lorsqu’il publie Les Misérables en 1862, Louise Michel lui emprunte le patronyme de son personnage révolutionnaire : elle signe désormais Enjolras, comme si elle annonçait quelque chose.
Une émission de Judith Perrignon
Réalisée par Gael Gillon et Annabelle Brouard
Prise de son : Arthur Gerbault, Tahar Boukhlifa, Marie Lepeintre, Eric Boisset
Mixage : Philippe Merscher
Archives Ina : Hervé Evanno
Et les voix de :
Clara Chabalier
Laurent Lederer
Jerôme Kircher
Pascal Thoreau
Mathieu Rauswarger
Judith Perrignon est également l'autrice de Notre Guerre civile , qui raconte cette figure puissante de la Commune, féministe et anarchiste qui a dédié sa vie à la révolution, sera placée sous surveillance par la République et sa police, et plusieurs fois arrêtée. Ce récit est paru aux éditions Grasset/Radio France.