À Moscou comme à Kiev, les dirigeants des Etats russe et ukrainien, engagés dans un conflit de haute intensité, ont observé, favorisé et encadré la constitution de milices. Du régiment Azov à l’Union des patriotes du Donbass, de la légion des volontaires internationaux aux mercenaires syriens ; les deux camps ont ouvert leurs portes à ces supplétifs qui pallient les difficultés rencontrées par les armées de métier. Avec un souci commun : éviter que ces bataillons d’appoint ne prennent trop d’ampleur, au risque de les voir concurrencer leur autorité.
Participent-elles à l’affirmation d’un patriotisme guerrier chez les combattants qui les constituent et les populations qui bénéficient de leur protection, ou peuvent-elles à terme s’implanter territorialement, au point de fragiliser l’Etat ? Et dans ce jeu fin et souvent opaque, quelles fins personnelles ces milices peuvent-elles servir, tant du côté de leurs dirigeants que des dignitaires des Etats qui les sollicitent ?
Pour répondre à ces questions, Florian Delorme reçoit Adrien Nonjon, doctorant à l’INALCO qui réalise actuellement une thèse sur le régiment Azov et le paysage milicien en Ukraine ainsi que Thomas da-Silva, doctorant en sciences politiques à l’université Paris-Nanterre.
Sur le sujet des relations entre les milices et les Etats aux côtés desquels elles combattent et du rôle que jouent les milices dans le dispositif militaire déployé par Kiev et Moscou, Adrien Nonjon explique que, du côté ukrainien, "L'Etat est obligé de faire confiance à ces milices car elles constituent une force efficace et attractive. Mais il est important pour lui de garder un certain contrôle sur ces bataillons de volontaires."
"La Russie inscrit la guerre contre le fascisme ukrainien dans le prolongement de la grande guerre patriotique. La mémoire de la seconde guerre mondiale est instrumentalisée à des fins politiques.", analyse Thomas da-Silva pour éclairer le point de vue russe sur les milices ukrainiennes.
Seconde partie : le focus du jour
Des tribunes aux tranchées : les supporters au cœur des milices
Si le mouvement Azov et ses émules parviennent désormais à attirer des profils de plus en plus diversifiés, le bataillon d’origine a été fondé par des supporters. Esprit de corps, accoutumance à la violence, opposition à un ordre oppresseur, les groupes ultras et hooligans offrent en effet un terrain propice à l’engagement dans l'armée. De Maïdan au bataillon Azov, pourquoi ces bandes ont-elles quitté les tribunes pour descendre dans la rue ? Comment ces factions traditionnellement rivales ont-elles coopéré pour la défense de la patrie ? Et quel rôle les supporters jouent-ils désormais dans le développement des milices qui épaulent actuellement l’armée ?
Avec Olga Ruzhelnyk, docteure à l’université de Paris-Nanterre.
"Les fans de football, des personnes très peu politisées avant Maïdan, sont devenues très actives dans le domaine politique après Maïdan.", explique Olga Ruzhelnyk.
Références sonores
- Volodymir Zelensky appelant les civils ukrainiens à prendre les armes au premier jour du conflit (Le Monde - 24/02/22)
- Des miliciens de l’OUN scandant gloire à l’Ukraine (France 24 - 21/03/22)
- Poutine appelant les volontaires à combattre sur le front ukrainien (France 24 - 11/03/22)
- Témoignage d'un milicien russe (tf1info - 13/03/22)
- Un milicien du régiment Azov s’exprime au sujet Andrei Biletsky, leader du Corps national, et de ses orientations politiques (BFMTV - 07/04/22).
- Le témoignage de Marat Gabidullin, ancien commandant dans le groupe Wagner (LCI - 23/05/22)
- Le supporters de foot au cœur des milices : le documentaire de Dimitri Kourtchine produit en 2019 et diffusé sur Arte
Références musicales
- "Pilot" de Christian Löffler
- "Tchornobaïvka" de Jalsomino (2022)