En revenant sur les prémices du fascisme, pays par pays, on voit se dessiner un scénario, à chaque fois identique : la montée en puissance de forces réformatrices, libérales qui permettent à la société de s’émanciper d’un carcan ancestral, immédiatement contrebalancé par la levée de boucliers des forces réactionnaires.
Un scénario qui peut ainsi s’appliquer à l’Espagne franquiste comme l’explique l’historienne, Amelie Nuq : “A son arrivée au pouvoir, Franco veut en finir avec la parenthèse républicaine, qui est considérée comme un moment où l'Espagne s'est perdue, comme un moment d'anarchie, comme une victoire de la franc-maçonnerie, du judaïsme. On considère que les améliorations apportées à la condition féminine ont contribué à un désordre auquel il faut mettre fin. C'est vraiment deux modèles de société qui s'opposent celui du début de la Seconde République, et le modèle de l'Espagne franquiste qui, par exemple, considère que la place des femmes doit être au foyer, ce qui n'était pas la vision que défendait une bonne partie des républicains au début des années 30”.
Ou comme le raconte, l’historien, Yves Leonard au sujet du Portugal et les conditions de l’arrivée de Salazar au pouvoir : “Le pays connaît alors une crise que l’on pourrait qualifier de crise de la conscience nationale. Le Portugal, tout au long du XIXᵉ siècle, a eu la perception, la conscience d'un déclin, de ne plus être la puissance qu'il avait été naguère”, un sentiment ajoute-t-il très prégnant chez les élites qui auront du mal à accepter la politique de la République parlementaire : “Une République qui va essayer de mettre en place des mesures qui, dans le Portugal de l'époque, vont se révéler assez impopulaires, assez difficiles à faire passer. La principale d'entre elles, étant la séparation des Églises et de l'État”. C’est à ce moment que, “les monarchistes vont essayer de reprendre la main. La République va être confrontée à des difficultés très grandes. Et c’est sur ce terreau-là, que l'idée de dictature va faire son lit. Elle va faire son lit sur l'idée que ce pays est en plein marasme, ce qui est là aussi à nuancer. Mais c'est la conscience qui prédomine dans les années 1920. Donc il faut rétablir l'ordre et se doter d'un nouveau système et d’une nouvelle idéologie”.
A chaque fois, c’est donc l’extrême polarisation de la société qui va servir de marche pied à l’arrivée des fascistes au pouvoir.
Un documentaire de Kristel Le Pollotec réalisé par François Teste.
Avec :
- Joëlle Dalègre, maîtresse de conférences HDR à l’Inalco, spécialiste de la Grèce
- Christina Koulouri , rectrice de l’université Panteion à Athènes
- Yves Leonard, historien spécialiste du Portugal
- Amelie Nuq, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, spécialiste de l’Espagne
- Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure d’Histoire contemporaine, spécialiste du fascisme italien
- Didier Musiedlak , historien spécialiste du fascisme italien
- Joëlle Fontaine, spécialiste de la Grèce
- Catherine Horel, historienne, spécialiste de l’Europe Centrale contemporaine