"Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable !
Ô de tous les mortels assemblage effroyable !
D’inutiles douleurs, éternel entretien !
Philosophes trompés qui criez : "Tout est bien" ;
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ;
(...)
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
Lisbonne, qui n’est plus, eut-elle plus de vices
Que Londres, que Paris, plongés dans les délices :
Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris"
Le tremblement de terre qui secoua la ville de Lisbonne le 1er novembre 1755
Voltaire écrit ce poème sur le désastre de Lisbonne, au lendemain du terrible tremblement de terre qu'a connu la ville le 1er novembre 1755. Trois secousses distinctes se produisirent sur une durée d'une dizaine de minutes, causant de larges fissures - jusqu'à cinq mètres - et dévastant la ville. Les survivants se ruèrent vers les quais du port, mais un énorme tsunami, avec des vagues de cinq à quinze mètres submergea alors le port et le centre-ville situés sur le Tage. Les zones épargnées par le tsunami furent détruites par des incendies qui se propagèrent pendant cinq jours.
D'autres régions furent fortement affectées par ce tremblement de terre, depuis l'Andalousie et la Galice en Espagne, jusqu'au Maroc. Au total, on estime qu'à Lisbonne le bilan de cette catastrophe dépassa les 100 000 victimes pour une population évaluée à 275 000 habitants.
Le port de Lisbonne ayant été quasiment détruit, le Portugal fut définitivement distancé par la Grande-Bretagne dans son expansion coloniale. Le même déclin frappa les ports espagnols de Cadix, Séville ou La Corogne. Le trafic avec les Amériques se déplaça alors vers les ports d'Europe du Nord (France, Pays-Bas, Grande-Bretagne).
Le tremblement de terre eut lieu le jour de la Toussaint, une fête catholique essentielle au Portugal
Ce tremblement de terre détruisit aussi la plupart des églises de la ville. Cette coïncidence fut exploitée par les penseurs des Lumières, comme Voltaire qui, dans l'extrait du poème cité, s'en prend, implicitement, au philosophe allemand, Gottfried Wilhelm Leibniz (...)
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