Médiathèque Georges Brassens

Faut-il choisir son combat entre la lutte contre le sexisme et la lutte contre le racisme ? Les femmes racisées sont-elles les oubliées des luttes féministes ?

« Dans les mouvements féministes, le sujet de référence implicite était plutôt les discriminations subies par les femmes blanches et dans les luttes contre le racisme, le sujet politique était implicitement les hommes noirs et les hommes racisés. Les femmes racisées se sont politisées d’abord sur cet oubli mais plus encore sur cet effacement de l’Histoire et de la réalité des discriminations » explique Elsa Dorlin.

Qu'est-ce que l'intersectionnalité ?

Il y a une perspective de recherche qui a essayé de penser ensemble la lutte contre le sexisme et le racisme : l'intersectionnalité.  L’intersectionnalité est une notion qui désigne la manière dont les différentes formes d’oppression comme le racisme, le sexisme, le classisme, le validisme, l’homophobie, la transphobie, et d’autres, s’articulent et se renforcent mutuellement. Elle a été introduite par l’universitaire afroféministe Kimberlé William Crenshaw en 1989 pour parler spécifiquement de l’intersection entre le sexisme et le racisme subis par les femmes afro-américaines. Il s'agit d'affirmer que les expériences ne sont pas uniformes. Ainsi, les discriminations sont vécues simultanément et se construisent mutuellement et doivent être combattues simultanément sans être hiérarchisées.

« Cette perspective sur le monde s’inscrit dans une perspective militante et une ambition de théorisation, de production de connaissances et de savoirs qui rend compte de la pluralité des rapports de violence à l’échelle structurelle. Il y a une double tension qui place le sujet féminin racisé à la fois à la proue de sa propre existence mais aussi dans une dimension plus collective dans la production d’un savoir nécessaire pour toucher à la manière dont politiquement ces questions se posent » analyse Kaoutar Harchi.

L’afroféminisme naît de la réflexion de l’intersection entre le sexisme vécu en tant que femme et le racisme vécu en tant que noire. L’intersectionnalité est donc un concept essentiel pour saisir les luttes afroféministes qui naissent avec le mouvement du black feminism aux Etats-Unis apparu dans les années 1950 dont Angela Davis est une des figures majeures. La grande intellectuelle afro-féministe bell hooks lutte, elle, contre le conflit racial qui oppose les femme blanches aux femmes noires. Elle milite pour une sororité entre femmes qui doit guider la lutte féministe et ne pas faire le jeu de la domination patriarcale qui met les femmes en concurrence entre elles.

Bibliographie

• Black Feminism, recueil de textes, Collectif, L’Harmattan, 2008
• Elsa Dorlin, Sexe, race, classe : pour une épistémologie de la domination, PUF, 2009
• Elsa Dorlin, Se défendre, Editions La Découverte, réédition 2019
• Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités, PUF, réédition 2021
• Feu ! : Abécédaire des féminismes présents, coordonné par Elsa Dorlin, Libertalia, 2021
• Kaoutar Harchi, Comme nous existons, Actes Sud, 2021

Sons diffusés

• Tout simplement noir, film de Jean-Pascal Zadi et John Wax, 2020
• Archive : Kimberle Crenshaw, 2007
• Archive : bell hooks, Speaking freely, 1995
• Chanson : Beyoncé, Black Parade