Retour en arrière, début 2019 : c’est la fin du Califat de Daech, avec la chute de ses derniers bastions syriens. A la manœuvre, les Kurdes de Syrie appuyés par la coalition internationale. Des avatars de Daech apparaissaient ailleurs, mais on pensait en être venu à bout dans cette zone, à cheval sur la Syrie et l’Irak, où il était apparu.
Mais en fin de semaine dernière, une centaines de combattants de Daech ont pris d’assaut une prison tenue par les Kurdes syriens près de la ville de Hassaké, dans le nord-est du pays, et tenté de libérer des milliers de prisonniers. Au même moment, des « cellules dormantes » de Daech attaquaient des camps kurdes dans la région.
Il aura fallu des milliers de combattants des Forces démocratiques syriennes, principalement kurdes, et l’intervention de l’aviation américaine, pour venir à bout des insurgés qui avaient pris des otages, dont des enfants. Le bilan de six jours de combats qui ont pris fin hier est encore incertain, mais les morts se comptent par dizaines ; des détenus se sont évadés.
Cela fait des mois qu’une résurgence de Daech est signalée, en Syrie mais aussi en Irak : en décembre, la vidéo de décapitation d’un policier irakien a choqué la population, qui espérait retrouver la paix après quinze ans de chaos et de guerre.
Ce retour de la violence djihadiste montre certes leur capacité à survivre dans l’ombre, malgré les coups sévères subis en 2018 et 2019 ; mais il illustre surtout le fait que, comme l’avaient prédit plusieurs experts, le phénomène ne peut disparaître tant que les conditions qui lui ont permis d’émerger ne seront pas elles-mêmes éliminées.
C’est particulièrement le cas en Syrie, où le régime de Bachar el-Assad s’est maintenu au pouvoir dans le sang, dans un pays ravagé par la guerre, où plus de la moitié de la population est déplacée ou réfugiée à l’étranger. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Ce n’est pas le cas des zones tenues par les Kurdes. Après la chute du Califat de Daech, Donald Trump avait voulu retirer les soldats américains présents en appui aux Kurdes. Au dernier moment, des forces réduites ont été maintenues, qui ont permis d’éviter que ces enclaves ne tombent entre les mains du régime.
Mais la face cachée de cette situation, c’est que les Occidentaux y ont sous-traité la détention des djihadistes venus de leurs pays; et en particulier de France : environ 60 hommes (et pas 600 comme indiqué initialement par erreur), une centaine de femmes et quelque 250 mineurs, dont certains à peine âgés de 12 ans, se trouvent dans les camps de détention des Kurdes.
Alors que les combats reprenaient, l’Unicef a appelé à la libération de tous les enfants détenus, rappelant qu’ils ont droit à des procédures de justice réparatrice. L’organisation de l’ONU pour l’enfance appelle en particulier les pays étrangers à organiser le rapatriement des femmes et enfants qui se trouvent au cœur d’un enfer qui recommence.
Tant d’un point de vue sécuritaire qu’humanitaire, leur rapatriement semble nécessaire, dans les conditions qu’impose la loi. Sauf qu’il est considéré comme politiquement explosif en France et que le sujet est enterré. Ces enfants qui n’ont rien demandé à personne sont les oubliés d’une guerre qui, elle, n’a pas disparu.
