Le compte-rendu de Jérémie Rousseau
Pas de relief ni d’émotion, pas de féérie et encore moins de volupté : les notes et rien d’autre. La Belle au bois dormant d’André Previn ou la pure routine.
Haché, violent même, le lever de rideau est brossé avec une certaine solennité. Hélas Ernest Ansermet se perd vite dans l’anecdotique, à la tête d’un Orchestre de la Suisse romande opaque, aux pupitres ça et là incertains.
Décidé, Neeme Järvi ? Pressé, surtout, tant et si bien que la fermeté rythmique et quelques jolis dosages sont entravés par cette précipitation : on ne goûte plus aux sortilèges de la plume de Tchaïkovski, telle cette Fée Lilas éventée.
Antal Dorati est un tchaïkovskien aguerri ; très symphonique et plutôt intellectuelle, sa conception de La Belle au bois dormant sera également peu dansante, timide, corsetée, comme effrayée à l’idée de faire battre le pouls du drame. Tant pis pour les alliages de rêve du Concertgebouw d’Amsterdam.
Le goût des extrêmes ! Evgeny Svetlanov possède un sens des images ravageur et pousse dans ses retranchements un Orchestre symphonique de la fédération de Russie gorgé de sensualité. Excessif, généreux, son Tchaïkovski respire large, charriant dans un même flot valses, adages et pas d’action. Cette plénitude fascinera ou agacera.
Le drame, le théâtre, la danse : cette fois, nous sommes bien au ballet. Le solide Mark Ermler réussit la quadrature du cercle avec une Belle au bois dormant fiévreuse, vigoureuse, mais d’un équilibre classique ; il sait exalter les rythmes et habiter les pantomimes dans un bouquet de contrastes relevés, délivrant un Adage à la rose qui nous laisse en lévitation. Magique !
Palmarès
N°1 : Version A
Orchestre du Covent Garden de Londres, dir. Mark Ermler
Conifer (1989)
N°2 : Version C
Orchestre symphonique de la fédération de Russie, dir. Evgeny Svetlanov
Melodiya (1980)
N°3 : Version E
Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, dir. Antal Dorati
Decca (1979-1981)
N°4 : Version F
Orchestre philharmonique de Bergen, dir. Neeme Järvi
Chandos (2012)
N°5 : Version B
Orchestre de la Suisse Romande, dir. Ernest Ansermet
Brillant (1959)
N°6 : Version D
London Symphony Orchestra, dir. André Previn
Warner (1974)
