“J’ai déclaré un cancer du sein à l’âge de 37 ans, j’ai eu une mastectomie, et avec un choix de ne pas me faire reconstruire, même si on appelle ça reconstruction mammaire, c’était pas fait pour moi. Et le tatouage, c’est mon choix ! C’est mon premier tatouage”, confie Emilie, dans la grande salle d'un hôtel bordelais. En ce mois d’octobre rose, des femmes, éprouvées par un cancer du sein, s'y font tatouer collectivement par des bénévoles pour embellir leurs corps mutilés par des opérations. C’est une association baptisée Soeurs d’encre qui propose ce mode alternatif de reconstruction, à travers des dessins indélébiles délicatement gravés dans la peau.
Les peaux des Françaises et des Français sont globalement de plus en plus tatouées. En 2023, un Français sur cinq porte de l’encre sous son épiderme. C’était un sur 10 il y a quinze ans ! Le tatouage, qui a si longtemps été marginal, est devenu banal. On recense désormais des tatoués dans toutes les classes sociales, toutes générations confondues. Parmi les adeptes du dermographe, les 18-35 ans sont majoritaires. Les femmes se font aussi davantage tatouer que les hommes, aujourd’hui.
Comment expliquer un tel engouement, pour une pratique qui remonte aux hommes préhistoriques ? A l’époque néolithique, Otzi, homme des glaces, comptait pas moins de 61 marques sur le corps ! C’est ce qu’on a découvert sur sa momie. Les Gaulois aussi se tatouaient. A partir du 18e siècle, les tatoos sont devenus très en vogue dans les pays anglo-saxons, grâce à James Cook, marin britannique revenu de Tahiti, avec des tatouages indigènes.
En France, le tatouage a longtemps été un signe d’appartenance pour les bagnards, puis les loubards. Et il s’est démocratisé à la fin du 20e siècle. “Il y a une vague mondiale à la fin des années 90. Dans les années 80, il 'y avait que 30 studios en France, aujourd’hui, on compte 7000 tatoueurs, c’est devenu une mini-industrie. Tout le monde peut se faire tatouer, que vous soyez en province, vieux, gros, grand !”, explique Jérôme Pierrat, créateur de "Tatouage magazine".
Quelles sont les motivations de ceux qui se font tatouer ? Veulent-ils suivre une mode ? Inscrire sur leur corps un événement marquant ? Ou simplement afficher une identité ? Que dit le tatouage de notre rapport au temps, de notre rapporte au corps ?
“La France tatouée", reportage d’Aurélien Colly.
Avec à la prise de son, Nicolas Mathias et Frédéric Cayrou .
Réalisation : Jérôme Chelius, assisté de Martine Meyssonnier.
Mixage : Delphine Bodet.
Bibliographie :
Fatalitas - Mickaël de Poissy : une galerie de gueules cassées, de bagnards ou de criminels tatoués.
Mauvais Garçons - Jérôme Pierrat & Eric Guillon, Ed. Manufacture De Livres
Une anthropologie du tatouage contemporain - Parcours de porteurs d'encres - Elise Müller, Ed. L'harmattan.
Sur Internet :
The French Tatoo Museum, musée virtuel du tatouage en France, par Mickaël de Poissy.
https://www.instagram.com/frenchtattoomuseum
Association Sœurs d’Encre - https://www.soeursdencre.fr
Tatouages : les différentes manières d’habiter en soi https://theconversation.com/tatouages-les-differentes-manieres-dhabiter-en-soi-122062
The Conversation, 21/08/2019
Le tatouage, un art primitif devenu populaire
https://www.lemonde.fr/culture/article/2018/03/10/le-tatouage-un-art-primitif-devenu-populaire_5268864_3246.html
Le Monde, 10/03/2018