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"La Mort de Sardanapale" d'Eugène Delacroix (1827)

Jean de Loisy | Sandra Adam-Couralet
Diffusé le dimanche, 04 septembre 2016 (59 min)


En 1827, le jeune Eugène Delacroix présente son tableau "La Mort de Sardanapale". Montrant une scène de suicide collectif, rouge et or, entre massacre et orgie, l’œuvre fit scandale. Ce n’est pourtant pas sur son sujet que portait la charge des critiques...


Dominique de Font-Réaulx Conservateur général au Musée du Louvre, présidente du centre d’art le Point du Jour à Cherbourg et rédactrice en chef de la Revue Histoire de l'Art.



   
Provient de l'émission
L'Art est la matière

Au programme
  • Dans cet immense tableau, Delacroix met en scène le personnage mythique de Sardanapale, inspiré d’Assourbanipal, le dernier grand roi de l’empire d’Assyrie. Lord Byron avait fait de ce héros oriental le protagoniste principal d’une pièce, publiée en 1821. Dans celle-ci, il faisait dire au roi déchu : “Peut-être cet exemple détournera-t-il plus d’un roi d’imiter une vie qui m’a conduit à une telle fin”. C’est cette fin tragique et spectaculaire que choisit de peindre le jeune Delacroix en 1827, montrant cet homme qui voulut emporter dans sa chute tout ce qui l’entoure et précipiter sa défaite en massacre.

    Le scandale du coloriste

    Delacroix avait pourtant habitué les Salons aux coups d’éclats ; on lui avait déjà reproché des audaces esthétiques et politiques dans deux de ses tableaux exposés La Barque de Dante (1822) et Le Massacre de Chios (1822). Or, cette fois-ci, comme le résume Théophile Gauthier, “on ne pouvait marcher d’un pied plus hardi sur la queue de l’école davidienne”.

    En effet, si La Mort de Sardanapale émeut les sensibilités des critiques de l’époque, ce n’est pas tant pour son sujet sulfureux – passablement ignoré – que pour la révolution esthétique qu’il incarne. “Tout d’un coup, on rompt avec des préceptes académiques qui sont absolument intangibles pour l’époque”, commente Dominique de Font-Réaulx. Ici, nul héros central autour duquel s’organise la composition, nulle construction pyramidale assurant la lisibilité de l’œuvre ; le tableau tout entier tient par la couleur. “Ça heurte quelque chose de l’époque qui veut que le geste du peintre soit avant tout guidé par l’œil et par l’esprit ” considère Dominique de Font-Réaulx.

    Un manifeste du Romantisme

    Delacroix est un peintre coloriste. Très tôt, il attribue à la couleur le rôle de porter une certaine justesse de l’émotion. “Pour le Sardanapale, il s’est beaucoup intéressé à la manière dont ces couleurs flamboyantes pouvaient aussi participer à la connaissance du sujet ; il y a là vraiment une innovation.”, estime Dominique de Font-Réaulx. Pari réussi, si l’on considère que “grâce à Delacroix, le mot Sardanapale évoque tout de suite une couleur ; tout le monde a cette idée de ce rouge-doré flamboyant du tableau. C’est la magie de cette œuvre.

    Outre l’aspect révolutionnaire du renversement de l’hégémonie du dessin dans la composition picturale, Delacroix s’inscrit par ailleurs dans une certaine continuité, que rappelle Dominique de Font-Réaulx : “Ce que ces jeunes romantiques ont retenu de la peinture davidienne c’est de revenir à la peinture d’histoire. En ce sens, cette rupture est aussi une fidélité.” Il s’agit donc pour ces jeunes peintres d’inscrire une évolution picturale au sein même d’une certaine permanence, qu’incarne le système de la hiérarchie des genres. En s’emparant d'événements, anciens ou contemporains, ils montrent ainsi pouvoir prétendre s’inscrire eux-mêmes dans une histoire de la représentation.

    Les textes lus dans l'émission :

    • Acte V de Sardanapale de Lord Byron
    • Charles Baudelaire (1861)
    • Eugène Delacroix dans livret du Salon de 1827
    • Article du critique Chauvin dans le Moniteur Universel, le 27 février 1828
    • Article du critique Jal (1828)
    • Eugène Delacroix dans sa Lettre à Charles Soulier (11 février 1828)
    • Charles Baudelaire (1846)

    Les textes sont lus par Jean-Pierre Leroux.

    Les musiques diffusées dans l'émission :

    • Erkki-Sven Tüür dans ses créations pour orchestre "L’ombra della croce" (2014), Symphonies n°7 "Pietàs" (2009) et n° 4 "Magma" (2002. For Solo Percussion and Orchestra).
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L'art est la matière
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  • Radio France
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