Podcast

Faussaires mais vrais artistes, histoire du faux en peinture (Episode 3 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le mercredi, 27 janvier 2021 (52 min)


En peinture, contrairement à la copie, le faux s'affirme comme authentique. Pour le faussaire, duper les experts permet de profiter des failles du marché de l'art. Pour l’historien, le faux dépeint l’évolution du regard.


Charlotte Guichard Historienne de l'art, directrice de recherche au CNRS et professeure attachée à l’École normale supérieure
Jean-Louis Gaillemin Maître de conférences à l'Université Paris Sorbonne



   
Provient de l'émission
Le Cours de l'histoire

Au programme
  • Avez-vous déjà tenté de copier le tableau d’un grand maître ? Pendant les vacances, vous ressortez vos tubes et vos pinceaux pour reproduire, je ne sais pas moi… la Joconde ! Vous vous appliquez sur le visage, les mains, les cheveux. Vous vous acharnez sur la forme des lèvres. Ah, ce sourire... Puis, pour juger du résultat, vous vous adressez à un expert reconnu. Si vous n’en avez pas un sous la main, votre mère, votre épouse, votre mari feront l’affaire. Ils vous diront : « Oui, c’est la Joconde, mais, euh, bon... ce n’est pas la Joconde, la vraie ». Alors, mieux que simple copiste, vous pouvez devenir faussaire. Il ne s’agit plus de copier, mais d’inventer un tableau dans le style du maître. Choisissez un beau modèle, tenez, belle-mère, que vous représentez dans le style de Vermeer. Il y a peu de chances que l’on vous dise que votre œuvre ne ressemble à rien. Au pire, vous serez félicité pour votre maîtrise de la touche, de la couleur, de l’originalité et la vivacité… de Picasso ! Xavier Mauduit

    À partir de quand les faussaires sont-ils devenus des criminels ? De l’Antiquité à la Renaissance, copier une œuvre d’art faisait partie de l’apprentissage des jeunes artistes dans les ateliers de peinture. Au fil de l’histoire, la définition de l’authenticité d’une œuvre évolue avec celle du statut de l’artiste. À partir du XVIIIe siècle, les artistes commencent à exposer hors de leurs cercles d’amis et à signer leurs œuvres. La griffe, comme l’appelle Charlotte Guichard, est alors érigée comme l’élément principal pour déterminer l’authenticité d’une œuvre. L’association du génie artistique au geste du peintre pousse les faussaires à imiter les plus grands maîtres.

    Le Cours de l’histoire part sur les traces des menteurs de l’histoire de l’art. Comment Van Meegeren a-t-il dupé les conservateurs de musées avec sa série de faux Vermeer ? Quels stratagèmes les époux Beltracchi, véritables Bonnie and Clyde de l’art, ont-t-ils mis en place pour faire croire à l’authenticité de leurs Ernst, Léger ou Van Dongen ?

    Ces artistes faussaires nous permettent de retracer l’évolution du regard des spectateurs et donc une histoire du goût. 

    Avec Jean-Louis Gaillemin, historien de l'art, maître de conférences à l'Université Paris Sorbonne, auteur de Trop beau pour être vrai. Le faux dans l’art, de la tiare du Louvre aux chaises de Versailles (Éditions Le Passage, 2019). 

    Et Charlotte Guichard, directrice de recherche au CNRS et historienne de l’art. Elle est notamment autrice de La Griffe du peintre. La valeur de l'art 1730-1820 (Seuil, 2019) et a dirigé l'ouvrage De l'authenticité, Une histoire des valeurs de l'art (XVIe-XXe siècle) (Éditions de la Sorbonne, 2014). 

    Je dirais que le faussaire apparaît au moment où l'artiste devient un personnage génial. L'artiste est un intermédiaire entre le spectateur et l'absolu, il devient un génie, un personnage très important. Il devient une sorte de reliques. C'est lui qui sera le médium avec le nouveau sacré qui est à partir du début XIXe le sacré esthétique et qui va prendre la place du sacré religieux dans le monde occidental. Jean-Louis Gaillemin

    La signature est un nom qui renvoie à l'artiste, à sa valeur sur le marché mais aussi à sa valeur esthétique et elle est aussi une trace, celle de la présence de l'artiste. En fait la signature renvoie au corps de l'artiste et c'est pour cela qu'il y a une sorte de "fétichisation" de la signature, c'est ce sur quoi vont jouer les faussaires : ils vont reproduire le nom mais sans que la signature reste la trace. C'est cette disjonction entre le nom et la trace avec laquelle jouent les faussaires à partir du XVIIIe et surtout au XIXe et au XXe siècle lorsque la fascination pour l'autographe et la présence se déploie sur le marché de l'art et dans les musées. Charlotte Guichard

    Sons diffusés :

    • Lecture par Nathalie Kanoui d'un extrait de Vies de Giorgio Vasari.
    • Lecture par Nathalie Kanoui d'un extrait de l'ouvrage de d'Hélène et Wolfgang Beltracchi, Faussaires de génie : autoportrait (L'Arche Éditions, 2015). 
    • Archive - 24/06/1948 - Extrait de l'émission L'art et la vie - Monsieur de Vries, conservateur du Musée royal de Hollande. 
    • Archive - 24/06/1955 - L_es Actualités françaises_ - Le Comité des salons artistiques de la police présente le Salon international de la police et l'exposition mondiale "le Faux dans l'art et dans l'histoire" au Grand palais des Champs-Elysées, du 17 juin au 16 juillet 1955. 
    • Archive - 10/01/1963 - La conservatrice Madeleine Hours. La signature de Corot. 
    • Archive - 26/02/1980 - France Culture - Les Nuits magnétiques - Fernand Legros, marchand d'art. 
    • Extrait la série télévisée Arsène Lupin, Les tableaux de Tornbüll (épisode 12 de la saison 1, 1971)
Illustration
Le Cours de l'histoire
Photographie
  • Christophe Abramowitz
Copyright
  • Radio France
Collection
Histoire du mensonge

Consulter en ligne

Suggestions

Du même auteur

Podcast

Des favoris aux conseillers, dans les coulisses du pouvoir

Le Cours de l'histoire (Episode 4 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le jeudi, 28 avril 2022  (Durée 52 min)

Dans les coulisses des palais, les favoris bousculent les hiérarchies de la cour. Ceux qui reçoivent l'affection et la confiance des rois et des reines sont accusés d'intrigue et d'arrivisme. De Mazar...

Podcast

Retirada, les républicains sur les routes de l’exil

Le Cours de l'histoire (Episode 3 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le mercredi, 12 octobre 2022  (Durée 59 min)

En 1939, les républicains espagnols prennent la route de l’exode. Ils fuient la dictature franquiste et se dirigent vers la France où ils espèrent trouver refuge et soutien. La réalité est tout autre....

Podcast

Aux origines du nationalisme hindou

Le Cours de l'histoire (Episode 2 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le mardi, 10 mars 2020  (Durée 53 min)

Comment le nationalisme hindou s'approprie l’histoire de l’Inde comme celle des hindous, à l’exclusion des autres groupes de la population, et en particulier des musulmans ?

Podcast

Ben-Hur, l’Antiquité spectacle

Le Cours de l'histoire (Episode 1 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le lundi, 16 mai 2022  (Durée 52 min)

Film à grand spectacle, démesuré et impressionnant, "Ben-Hur" est le péplum par excellence dans l’imaginaire collectif. Immense succès populaire en même temps qu’un témoignage de l’âge d’or d’Hollywoo...

Podcast

Loteries royales, les jeux de l’État et du hasard

Le Cours de l'histoire (Episode 1 sur 4)

Xavier Mauduit
Diffusé le lundi, 14 décembre 2020  (Durée 53 min)

Êtes-vous prêt, comme Madame de Montespan, à perdre 500 000 livres en une soirée ? La société d'Ancien Régime s'adonne avec engouement aux jeux de hasard et d'argent. Condamnés par l'Église, il ne fa...

Chargement des enrichissements...