C'est une rentrée aussi intense que ses œuvres pour l’autrice Chloé Delaume. En plus d’un nouveau roman, intitulé Le Cœur synthétique paru aux éditions Seuil, l’artiste sort son premier album Les fabuleuses mésaventures d'une héroïne contemporaine__. S'il ne s'agit pas de ses premiers pas dans la chanson, les dix morceaux de l'album ont comme singularité d'être des échos synthpop aux états d'âme de l’héroïne du roman. Cette dernière, Adélaïde, se confronte aux désillusions romantiques lorsqu’elle repart en quête de l’amour après une rupture. Un double cri du cœur à la fois tendre et amer.
Le point de départ du Cœur synthétique c'est un hiver de loose épouvantable avec les copines. Je me suis dit qu'il fallait absolument changer tout ça en franche rigolade sinon on était mal barrés.
C'est un geste ouvert. Il y a beaucoup de mes livres qui sont des petits laboratoires. Qu'on me lise ou pas, je m'en fichais complètement, ce n'était pas du tout l'objet. Mais là, j'avais envie de partager. J'avais envie de partager la blague, l'éclat de rire de tout ça. La situation est désespérée, mais elle n'est pas grave.
L'autofiction comme résilience
Après la publication d’un premier roman intitulé Moufettes d’Antropas, la jeune femme prend la plume et son nouveau nom pour revenir sur l’évènement tragique de son enfance dans _Le Cri du Sablie_r : A dix ans, Chloé Delaume voit son propre père tuer sa mère puis se suicider devant ses yeux. Ce deuxième roman est son premier autobiographique et expérimental qui reçoit le prix Décembre. Dans le même registre de l’autofiction, elle signe notamment La Vanité des somnambules (2002); Une femme avec personne dedans (2012) ; Dans ma maison sous terre (2009) qu’elle accompagne d’un requiem électro téléchargeable ; ou encore Où le sang nous appelle qu’elle a cosigné en 2013 avec Daniel Schneidermann. A travers ses nombreux ouvrages, elle expérimente des registres et des dispositifs formels différents, toujours plus ludiques.
Ça a été un très long cycle qui m'a nourri pendant longtemps, il y avait des rebondissements... Il s'est passé plein de trucs qui faisaient qu'il y avait matière. Je ne sais pas si j'ai vraiment fini l'autofiction parce que ce n'est pas possible de dire ça. Par contre, je crois que maintenant, on va plus aller sur de la fiction.
Chloé Delaume nous éclaire sur son goût pour l'expérimentation :
C'est ludique. Moi, je suis quelqu'un qui s'ennuie très vite et dès que je m'ennuie, j'ai envie de mourir. Alors il faut absolument agir. Donc, on fait plein de petits chantiers, rigolos ou pas rigolos. Ça dépend aussi, mais il faut des chantiers.
Une héroïne contemporaine
Chloé Delaume s’intéresse également à la technologie et au numérique, tantôt en tant que motif qu’elle décline notamment en 2003 dans Corpus Simsi, en 2006 dans J'habite dans la télévision, tantôt en tant que support qu’elle expérimente dans son live hybride Alienare. Féministe endurcie, l’autrice a dernièrement publié une dystopie féministe Les Sorcières de la République (2016) puis Mes bien chères soeurs (2019), un essai qui développe le concept de sororité et analyse la quatrième vague du féminisme liée à la révolution numérique. Elle est également marraine des Parleuses, un cycle de travail sur le matrimoine ; et anime des ateliers d'écriture post-patriarcale. Elle a été pensionnaire à la Villa Médicis entre 2011 et 2012. Eclectique, Chloé Delaume a collaboré avec de nombreu.x.ses artistes et a été parolière notamment pour Indochine. La musique s’insinue petit à petit dans son art, comme en témoigne la sortie de son album. A propos de son travail dans les revues, elle raconte :
Tout le monde se faisait les dents, en quelque sorte. C'était une époque qui était assez chouette avec le recul, et même pendant car je crois qu'on était conscient qu'on vivait à l'âge d'or de la littérature expérimentale parce que ça n'allait pas durer. L'hégémonie du roman nous a rattrapé.
**Son actualité : **
- Premier album : Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine qui fait écho au roman, format vinyle et digital, Dokidoki éditions.
- Roman : Le Cœur synthétique, Editions Seuil, publié le 20 août 2020.
Présentation : "Adélaïde vient de rompre, après des années de vie commune. Alors qu’elle s’élance sur le marché de l’amour, elle découvre avec effroi qu’avoir quarante-six ans est un puissant facteur de décote à la bourse des sentiments. Obnubilée par l’idée de rencontrer un homme et de l’épouser au plus vite, elle culpabilise de ne pas gérer sa solitude comme une vraie féministe le devrait. Entourée de ses amies elles-mêmes empêtrées dans leur crise existentielle, elle tente d’apprivoiser le célibat, tout en effectuant au mieux son travail dans une grande maison d’édition. En seconde partie de vie, une femme seule fait ce qu’elle peut. Les statistiques tournent dans sa tête et ne parlent pas en sa faveur : « Il y a plus de femmes que d’hommes, et ils meurent en premier. »" Editions Seuils.
Sons diffusés pendant l'émission :
- Jean-Jacques Schuhl dans “Tout Arrive” sur France Culture, le 08 février 2010.
- Extrait de “Contre”, livre disque de Lydie Salvayre et Serge Teyssot-Gay, aux Editions Verticales en 2002.
- RTT à Trastevere de Chloé Delaume dans son dernier album Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine, Dokidoki éditions.
- Soleil d’hiver de Niagara, Album “Quel enfer!” au label Polydor en 1988.
- Archive Boris Vian, ORTF “Les grandes revues littéraires”, le 25 juillet 1959.
Rediffusion de l'entretien du 16 octobre 2020