L’accueil des déportés qui rentrent donnent lieu dans les gares de Paris à de véritables bains de foule criant "Vive la république", parfois "Vive la Commune". La police est sur les dents. Prête à réprimer tout retour de flamme. Spécialement ce 9 Novembre 1880, à midi, lorsque le train ramenant Louise Michel est annoncé. L’institutrice de Montmartre est désormais le visage de la Révolution.
Toute la presse veut recueillir son interview, même les journaux de droite, qu’elle fait payer pour financer la caisse des déportés qui rentrent sans un sou. Paris a changé. La vie politique aussi. Les révolutions appartiennent au passé, puisque la République s’est installée. Ses anciens combattants sont divisés, Georges Clémenceau y fait désormais figure de notable, tout comme Henri Rochefort le camarade de déportation. Ils l’attendent à la gare. Rochefort lui verse même une pension mensuelle dès son retour jusqu’à la fin de sa vie.
Mais le verbe de Louise Michel penche toujours pour la révolution. Elle s’affirme anarchiste. Qu’est-ce que l’anarchie ? Il faut redéfinir ce mot que la République agite comme un épouvantail, un simple chaos, alors que c’est un courant d’idée qui s’est forgé au fil du siècle, théorisant une forme d’auto-organisation ouvrière.
Louise Michel ne croit pas aux élections. Refuse les drapeaux tricolores sur les estrades où elle parle. Et elle parle beaucoup. Deux conférences par soir, dont la police et ses indics font de nombreux rapports.
En 1883, elle est recherchée, pour avoir conduit une manifestation de chômeurs qui finit en pillage de boulangerie. Elle se présente d’elle-même à la police. Elle est condamnée à six ans de prison, trois ans après son retour. Elle est incarcérée à la prison Saint-Lazare, où elle entame la rédaction de ses mémoires, retrouve au bout de sa plume la gamine qu’elle était, passée des évangiles à l’anarchie.
Bientôt sa mère se meurt, véritable fil souterrain de sa vie, qui n’aimait pas ses idéaux révolutionnaires.
Puis c’est Victor Hugo qui s’éteint, clôturant toute une époque.
Une émission de Judith Perrignon
Réalisée par Gael Gillon et Annabelle Brouard
Prise de son: Arthur Gerbault, Tahar Boukhlifa, Marie Lepeintre, Eric Boisset
Mixage : Philippe Merscher
Archives Ina : Hervé Evanno
Et les voix de :
Clara Chabalier
Laurent Lederer
Jerôme Kircher
Pascal Thoreau
Mathieu Rauswarger
Judith Perrignon est également l'autrice de Notre Guerre civile , qui raconte cette figure puissante de la Commune, féministe et anarchiste qui a dédié sa vie à la révolution, sera placée sous surveillance par la République et sa police, et plusieurs fois arrêtée. Ce récit est paru aux éditions Grasset/Radio France.