En France, la notion de validisme est introduite en 2004 par Zig Blanquer. Sa brochure “la culture du valide (occidental)” circule dans une relative confidentialité au cours des années 2000, principalement dans les milieux queer, anarchistes, ou initiés. Depuis, les réseaux sociaux ont changé la donne. De nombreux comptes militants ont fleuri, et y circulent abondamment ressources, témoignages, et luttes antivalidistes, permettant conscientisation et politisation, mais aussi, de conjurer l’invisibilité et les “oublis” historiographiques.
Des collectifs antivalidistes ont ainsi vu le jour en France depuis 2016 parmi lesquels on peut citer le CLHEE (Collectif Lutte et Handicaps pour l’Egalité et l’Emancipation), le Collectif pour la Liberté d’Expression des Autistes (CLE Autistes), Les Dévalideuses, collectif handiféministe l’association Handisocial ou encore des collectifs nés à l’occasion de la mobilisation pour déconjugaliser l’AAH comme Objectif Autonomie et Le prix de l’amour.
Cécile Morin, professeure d’histoire-géo, membre du CLHEE explique : “On est présentée comme d'éternels objets de soins, de protection, certainement pas comme des sujets capables de lutter contre notre domination qui résulterait d’une fatalité biologique. L'enjeu, est de lutter contre l'intériorisation que peuvent avoir les personnes handicapées d’elles-mêmes. Il faut comprendre que cette domination est historiquement et socialement construite, qu’elle est le produit de rapports de force et pas d'une condition biologique. Il faut absolument que l’on arrive à dénaturaliser cette domination et c'est ce qu'on fait sous la bannière de l'antivalidisme, parce que cette notion est porteuse d'un fort potentiel émancipateur”.
Récemment, des voix se sont élevées contre des violences policières ayant visés des hommes handicapés racisés. Des hommes au comportement étrange (souvent autiste ou en crise), jugés alors dangereux du fait à la fois de leur carnation et de leur agitation. Des articles sont parus, ont donné des noms : “Eliott”, SaÏd M’Hadi, Babacar Gueye… Nous tentons d’historiciser ces morts suspectes, “ces vies sacrifiables” selon le collectif Cases rebelles qui a fait un travail de recensement de ces violences.
Michaëla Danjé, cofondatrice du collectif, raconte les histoires de “cette population qui ne compte pas” comme celle de Serge Partouche mort à Marseille : “La personne qui a prévenu la police a bien dit qu'il était autiste, ça a été converti en ‘handicapé mental’ sur la fiche de poste, puis a été traduit par ‘individu dangereux’ par l'opérateur s'adressant aux policiers et Serge Partouche en est mort. Il y a tout un vocabulaire, une fabrique de mots pour justifier un ensemble d'événements, comme par exemple le terme ‘forcené’ qui permet de ne pas avoir à justifier qu'il y a une personne qui a été abattue”.
Avec :
- Elisabeth Auerbacher, cofondatrice du Comité de Lutte Handicapés en mai 1973
- Odile Maurin , présidente de l’association toulousaine Handi social
- Cécile Morin, professeure d’histoire-géo, membre du CLHEE
- Gildas Brégain, historien du handicap
- Rizzo Boring , dessinatrice, activiste
- Charlotte Puiseux , psychologue, autrice de De chair et de fer, vivre dans une société validiste
- Camille, psychiatrisée et militante antipsy
- Michaëla Danjé et Xonanji, cofondatrice du collectif Cases rebelles
- et les comédien-ne-s Sarah Wehbe et Marc Colmar
Un documentaire de Clémence Allezard, réalisé par Asssia Khalid
Les transcriptions faites bénévolement et collectivement par Charlie, auditrice engagée pour que les contenus radiophoniques soient accessibles à tou·te·s, Mathilde, une auditrice soucieuse, et Clémence Allezard, la productrice de la série.