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Sylvain Creuzevault : "Le théâtre est un art de l'acteur"

Arnaud Laporte
Diffusé le lundi, 09 janvier 2023 (55 min)


Le metteur en scène repart en tournée avec sa mise en scène fulgurante des Frères Karamazov, d’après le roman métaphysique de Dostoïevski. A cette occasion, il évoque avec nous son parcours théâtral, l'écriture au plateau, et son travail sur l'adaptation des textes.


Sylvain Creuzevault Metteur en scène



   
Provient de l'émission
Affaires culturelles

Au programme
  • Metteur en scène qui ambitionne de « découvrir la chambre aux secrets de notre « mode d’organisation sociale », Sylvain Creuzevault a amené sur les scènes des choses aussi diverses que des pièces de Mayenburg ou de Brecht, le Comité de salut public, le Capital de Marx, et depuis quelques années des fragments de l’œuvre de Fiodor Dostoievski. Acteur formé sur les bancs de l'école Jacques Lecoq puis du studio théâtre d'Asnières, il s’essaye rapidement à la mise en scène au sein du collectif D’Ores et déjà qu’il cofonde en 2002 avec Louis Garrel, Arthur Igual et Damien Mongin, avant de monter la compagnie Le Singe entre 2012 et 2014. C’est au sein de cette dernière qu’il trace un parcours singulier dans l'œuvre de Fédor Dostoïevski, qui l'a mené à porter à la scène L’adolescent, Crime et Châtiment, Les Carnets du sous-sol ou encore Les Démons. Les Frères Karamazov, le nouvel avatar de sa traversée des écrits du romancier russe, sont joués en ce moment au théâtre de l'Odéon à Paris, jusqu'au 22 janvier, en tournée. A cette occasion, le metteur en scène revient sur son parcours et ses méthodes de travail.

    Le théâtre comme archéologie pour penser le présent

    « J'ai souvent choisi des moments dans l'histoire des sociétés et dans l'histoire des luttes où je trouvais des points d'articulation sur la question qui m'intéresse moi, c'est à dire la construction sociale, la vie en commun des hommes, des femmes et des enfants, ainsi que la résistance à l'oppression. C'est quelque chose qui m'a amené à visiter ou à fréquenter la rue de la théorie socialiste dans l'Histoire […] J 'ai besoin de faire la généalogie et j'ai besoin que cette généalogie pose des questions aux formes actuelles d'écriture théâtrale. » Sylvain Creuzevault

    « L'œuvre du néolibéralisme c'est de faire croire qu'il n'y a pas de passé, puisque l'éternel présent et celui de la marchandise à produire à tout prix. J'ai toujours eu la sensation, comme une image de gamin, que le continent historique est inexistant ou en tout cas invisible. Et moi, depuis notre rocher, je lance un grappin, avec la généalogie, pour venir toucher un autre sol. Parce qu'après tout, à chaque organisation sociale, quelles que soient les époques, se posent les mêmes problèmes inhérents à son fondement et à sa reproduction. Sauf que chaque époque les pose avec l'esprit et le langage de son temps, mais aussi avec les forces de son temps qui sont parfois des forces écrasées qu'il faut pouvoir réveiller. Alors moi je travaille cette généalogie, mais c'est toujours pour pouvoir essayer de rendre le monde présent lisible via la question théâtrale, via l'art de l'acteur » Sylvain Creuzevault

    L'art de l'acteur

    « Quel que soit l'attrait et le plaisir que je peux avoir à regarder ou même parfois à pratiquer un agencement de mise en scène très complexe, il est évident pour moi que le théâtre est un art de l'acteur. A la base, il faut qu'on puisse jouer dans une cave en Ukraine ou dans un métro. Il faut que le geste théâtral, par l'art de l'acteur, puisse être révélé dans n'importe quelles conditions » Sylvain Creuzevault

    La distance critique aux textes

    « J'ai un rapport avec les textes qui est un rapport conflictuel, que ce soit dans la détestation ou dans l'admiration. J'ai toujours eu peur qu'on finisse par s'y soumettre. Parce que la construction sociale passe son temps à obéir à des textes, à s'y soumettre, que ce soit le texte biblique ou le texte de loi. Alors j'ai toujours une légère tendance à vouloir soumettre le texte à la torture. C'est à dire introduire des fissures, des écarts, des rencontres, des chocs et des brisures. Et en même temps, il faut l'affirmer, le texte, pour précisément pouvoir construire avec lui une distance, un rapport » Sylvain Creuzevault

    « La scène peut ne pas être une tribune, mais plutôt une mise en perspective, une représentation, c'est à dire un cadre négatif à l'intérieur duquel on va remettre en scène ou mettre en jeu une situation dramatique ou une écriture post-dramatique. Dans ce cadre, on peut construire des mises en scène avec des textes dont on se méfie, que nous détestons ou que nous voulons mettre devant nous et les traiter. Une critique peut être chaude, aveugle, terrible, mais aussi vivante et respirante. Elle n'est pas forcément la théorie grise dont parle Goethe au début de Faust. Toute théorie est grise, mais pas toute critique » Sylvain Creuzevault

    Son actualité : « Les Frères Karamazov », mise en scène de Sylvain Creuzevault, d’après le roman de Fédor Dostoïevski, traduction française d’André Markowicz, production Le Singe. Avec Sylvain Creuzevault, Servane Ducorps, Vladislav Galard, Arthur Igual, Sava Lolovle, Frédéric Noaille, Blanche Ripoche, Sylvain Sounier, Patrick Pineau (les 6, 7, 12, 13, 14, 18, 19, 20, 21 janvier) en alternance avec Nicolas Bouchaud (les 8, 10, 11, 15, 17, 22 janvier) et les musiciens Sylvaine Hélary et Antonin Rayon. Du 6 au 22 janvier 2023 au Théâtre de l'Odéon.

    Présentation sur le site du Théâtre de L'Odéon : Les Frères Karamazov  racontent l’histoire de quatre fils presque étrangers les uns aux autres, et dont l’un est illégitime, qui ont chacun une bonne raison de vouloir tuer leur père indigne et absent. Lorsqu’il est retrouvé assassiné, tous s’interrogent : qui a tué Fiodor Karamazov ? Sylvain Creuzevault donne avec les moyens du théâtre sa vision du roman, tout en conservant le fil rouge de l’intrigue de Dostoïevski. Dans  Les Frères Karamazov , tout coexiste avec son contraire : le tragique côtoie le grotesque, la profondeur l’excès, et la métaphysique la puanteur. Avec ce succès de la saison dernière, Creuzevault ouvre la représentation au public par des adresses comiques et un faux entracte, car, chez lui, tout est matière à jeu et à théâtralité. Sur un plateau blanc et dépouillé, quelques éléments de décor vont à l’essentiel : les mo(r)ts de Dostoïevski affichés sur le mur avec des banderoles, un arbre malingre porté à bout de bras pour figurer une forêt, une cage pour enfermer l’inculpé. En scène, une formidable troupe d’acteurs donne vie aux personnages autant qu’elle incarne leurs pensées sur le bien et le mal, le cynisme et la bonté, la vérité et le mensonge, soutenue dans cette sarabande infernale par les improvisations en live de deux musiciens.

    Sons diffusés pendant l'émission :

    • Interview de Jacques Lecoq dans l'émission "Plein Feu", en février 1955.
    • Interview d'Antoine Vitez qui explique, sur France Culture en 1972, l'importance qu'il accorde au texte.
    • Choix musical de l'invité :  Lucio bukowski et Nestor Kéa - "L'art raffiné de l'ecchymose".
    • Interview d'André Markowicz dans "L'heure Bleue", sur France Inter, en décembre 2016.
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  • Radio France
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