Quand on parle de Mendésisme, dans le débat politique courant, on parle d’honnêteté, de simplicité de rigueur intellectuelle, de démocratie adulte, de responsabilité, de probité, de courage, une pluie d’éloge, pour cet homme qui parait en tous points exemplaires. Peut-être parce qu’il n’a pas gouverné assez longtemps. Les évocations de Pierre Mendès France se font souvent à contrario positif pour dénoncer le caractère monarchien de la Vème république voulu par le Général de Gaulle, pour souligner le cynisme de François Mitterrand et plus généralement pour mesurer, à leurs désavantages, les hommes et les femmes politiques d’aujourd’hui qui n’ont pas eu à connaitre le niveau de tragique de l’histoire de la génération des responsables avant, pendant et juste après la guerre. Visionnaire quant au danger nazi dans les années 30, héro de la résistance, en avance sur le processus qu’il fallait suivre en Algérie, rigoureux économiquement avant que ce mot « rigueur » ne prennent étrangement une acception négative s’agissant des finances publiques, Mendès France avait compris que le sérieux budgétaire ne pouvait pas rimer avec le désengagement de l’Etat et le laisser-faire, conscient depuis toujours que la plaie de la vie politique française risquait d’être la personnalisation des débats. Il semblait avoir compris dès les années 60, l’encalaminage démocratique d’aujourd’hui et les travers d’un espace public dominé par la communication.
Le mendésisme ne veut pas dire aimer, admirer Mendès mais avoir une conception adulte de la démocratie. Nous n’avons pas eu Mendès, ou si peu et pour beaucoup, c’est un regret politique, un remord peut-être. Celui de, collectivement, vouloir toujours privilégier, les beaux parleurs, les vengeurs, les tribuniciens, les habiles. « Les Français préfèrent un mensonge bien dit à une vérité mal formulée » écrivait le philosophe roumain Emil Cioran en 1941 dans son livre "De la France". Mendès formulait pourtant bien, mais il ne se laissait jamais aller à aucune facilité de communicants. Un pécher d’orgueil, une coquetterie, ne pas avoir voulu sacrifier un peu, ne serait-ce qu’un peu, aux exigences du siècle de la communication et de la séduction ? Certains de ses partisans l’ont pensé.
La chronique livre d'Aurélie Marcireau :
« La vérité guidait leurs pas », Pierre Mendès France, Folio Histoire
Bibliographie :
- « Le couple infernal : Elysée contre Matignon. De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron », Jean Garrigue, 2022, Tallandier
- « La République des traitres », Jean Garrigue, 2018, Tallandier
- « Pierre Mendes-France, la foi démocratique », Fréderic Potier, aux Editions Bouquins
- « La poésie du marchand d’armes », Fréderic Potier, Editions de l’Aube.
