La pianiste Shani Diluka est une enfant prodige qui fit son premier récital à neuf ans et la première partie d'un concert de Grimaud à douze. Elle n'a rien perdu de sa superbe, comme le démontre sa carrière aussi prolifique qu’éclectique. Il y a évidemment ses enregistrements de Beethoven, Mendelssohn ou Edvard Crick, mais aussi Schubert, notamment le très beau disque Des Fragments aux Etoiles, des ragas indiens et un album consacré à Proust regroupant tous les compositeurs aimés par l'écrivain et apparaissant dans La recherche. Il y a aussi des livres disques pour enfants autour de Chopin et de Babar avec Nathalie Doucet, deux recueils de poèmes Canopée et les silences de Schubert, publié aux éditions Art 3 Plessis. Des visites en centre pénitentiaire, des concerts autour du monde et des masterclass.
Dans le sillage de son dernier album Pulse, paru en avril et consacré aux grands noms de la musique minimaliste, la pianiste interprétera un florilège enrichi de ses pièces, de Philip Glass à John Cage en passant par Moondog et Meredith Monk à la Philharmonie de Paris, le 16 décembre prochain, accompagnée sur scène par le dessinateur et auteur de bandes dessinées Matthias Lehmann, l'événement tentera de traduire sur scène La Métamorphose de Kafka sous un titre minimaliste lui aussi Métamorphoses.
Trouver son équilibre
Le métier de pianiste de Shani Diluka l’aide à trouver son chemin et à s’équilibrer : « Quand on fait face à plein de tourbillons, il y a un moment où on sait un peu plus comment se positionner quand le tourbillon arrive, mais il y a des compositeurs qui ont donné l'exemple. Quand on voit Beethoven par sa surdité, la fatalité de sa vie, lui qui avait des grandes ambitions et qui la moitié de sa vie ne va pas entendre sa musique, dans cette obscurité, il va croire en la lumière, quoi qu'il arrive, au fait que l'art élève l'œuvre, la rassemble. Et c'est peut-être à ce moment-là qu'on retrouve la foi. Il avait trouvé cet équilibre entre l'obscurité et la lumière dans ses dernières œuvres. C'est toujours une question d'équilibre entre des forces contradictoires. »
Une œuvre adaptée de La Métamorphose de Kafka
Le 16 décembre prochain, Shani Diluka sera sur la scène de la Philharmonie de Paris pour le concert Métamorphoses, où elle interpréterait au piano des morceaux minimalistes accompagnés par le dessinateur et auteur de bandes dessinées, Matthias Lehmann. Une pièce adaptée du court roman fantastique de Franz Kafka, publié en 1915, La Métamorphose : « Le lien est évident puisque mon programme est minimaliste et surtout ancré autour de la figure de Philip Glass. Il s’est inspiré de La Métamorphose de Kafka pour écrire Metamorphosis. On connaît tous la métamorphose sans la connaître, il y a toute une symbolique qui résonne de manière très moderne aujourd'hui plus que jamais. Ce personnage arrive dans cet état parce qu'il a subi une forme d'automatisation, de déshumanisation de la société, ce qui rend Kafka très visionnaire pour son époque. »
Sa collaboration avec le dessinateur Matthias Lehmann
C’est à l’initiative de la Philharmonie de Paris que Shani Diluka a collaboré avec Matthias Lehmann : « Ils ont eu l'idée d'un nouveau cycle qui met en relation la musique classique avec d'autres arts. L'idée, c'est de rendre accessible, ces concerts de musique classique pour toutes les générations. C'est un roman qui semble assez sombre, mais qui est accessible à tous et qui a plusieurs niveaux de lecture. Il y a beaucoup de symboliques. Par exemple, dans le roman de Kafka, il y a trois portes avec trois clés, il y a trois locataires, il y a quelque chose d'automatique, il y a un rythme. Et on a essayé de trouver ce rythme-là dans les dessins avec Matthias. » Durant ce concert de musique minimaliste d’une durée de 50 minutes, les dessins seront projetés sur grand écran : « Le rythme des minimalistes qui est assez hypnotique, va accompagner ces dessins vivants, parfois, ce sont des planches déjà préparées, d'autres vont être dessinées pendant le concert. » Pendant ce concert, Shani Diluka jouera également au piano des œuvres qui figurent sur son dernier album Pulse et d’autres inédits.
Sa passion pour John Cage
Pour Shani Diluka, John Cage a révolutionné notre écoute de la musique : « Il nous apprend à écouter le silence qu'il y a entre les notes, l'espace. Comme dans la poésie, il y a les mots, mais il y a tout ce qui se passe entre les mots, comme un regard entre deux personnes. Sa musique est dans le domaine de l'art de la méditation. Elle était très proche du Japon. Il y a toute cette mouvance méditative quand on sait que Glass a rencontré Ravi Shankar et que John Cage a expérimenté ces musiques presque proches du koto japonais. Dans sa pièce Dreams, on part dans des phénomènes presque intemporels, comme la méditation. »
La musique de Moondog
Moondog inventa son surnom en 1947 en l'honneur d'un chien qui hurlait à la lune bien plus que tout les chiens qu'il connaissait : « Il est arrivé à faire une sorte de compromis entre le baroque et la musique amérindienne. C'était un être extraordinaire, il était presque SDF à New York et c'est Philip Glass qui l'a amené dans son cercle qu'il l’a sauvé. Il était aveugle et il passait son temps à écouter assis sur un banc, des pigeons. C’était un poète des temps modernes. »
Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
Toutes les dates de concert à venir se trouvent sur le site internet de Shani Diluka :
https://fr.shanidiluka.com/concerts
L'archive diffusée durant l'émission :
Le discours d'Albert Camus lors de sa réception du prix Nobel de littérature en 1957.
Les extraits de l'album Pulse de Shani Diluka diffusés durant l'émission :
Railroad de Meredith Monk
Dream de John Cage
Mad Rush de Philip Glass
Barn Dance de Moondog
Giorgio by Moroder des Daft Punk
Veridis Quo - Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter
Shimmers de Shani Diluka
Le choix musical de l'invitée :
Juliette GRECO - Utile
La découverte de l'invitée :
La pièce de théâtre Par les villages de Peter Handke
Programmation musicale :
POMME - _dec carte de noël
THE SMILE - Wall Of Eyes
