Médiathèque Georges Brassens

Infatiguable ambassadeur de la musique brésilienne à travers le monde, Gilberto Gil a tout connu, de l’exil forcé de ses jeunes années jusqu’à la tribune de l’ONU, en passant par les cabinets ministériels – il fut ministre de la culture du premier gouvernement Lula, de 2003 à 2007. Avant de raccrocher les gants, le chanteur/guitariste originaire de Bahia revisite en ce moment son vaste répertoire à l’occasion d’une tournée d’adieu, accompagné sur scène par plusieurs membres de sa famille, enfants et petits-enfants.

Avant de passer par Paris cette semaine, cette ultime tournée l’a conduit il y a quelques jours à Londres, une ville particulièrement chère à son cœur. C’est là que, tout jeune musicien, Gilberto Gil a passé quelque temps contraint et forcé avec son acolyte Caetano Veloso. A l’époque, à la fin des années 1960, tous deux incarnent le visage le plus novateur de la MPB (musique populaire brésilienne). Mais trop engagés politiquement, trop choquants dans leur modernité, ils s’attirent les foudres des militaires au pouvoir à Brasilia. Cela leur vaudra d’être emprisonnés puis chassés de leur pays.

L’exil à Londres va marquer une étape cruciale dans sa carrière de Gilberto Gil. De rencontres en collaborations, c’est à Londres qu’il perfectionne son art et trouve sa voie musicale. En plein bouillonnement de la période psychédélique, il croise des groupes comme Yes ou Pink Floyd, s’abreuve de nouvelles sonorités, et se prend de passion pour le reggae, cette musique alors toute nouvelle, importée à Londres par les immigrés jamaïcains. il rapportera toutes ces influences dans ses bagages lorsqu’il rentrera triomphalement au Brésil.

Cette maturation artistique va se faire le plus naturellement du monde. Il faut dire que Gilberto Gil est un melting pot à lui tout seul, à l’image de son pays et de sa région natale, l’Etat de Bahia au nord-est du Brésil. Noir de peau, descendant d’une famille d’esclaves, il se passionne de longue date pour les racines africaines du Brésil et toutes les musiques qui en découlent. Cet art consommé du métissage va faire de lui l’une des plus grandes stars de la chanson brésilienne.

Au sommet de sa gloire, à la fin des années 1980, Gilberto Gil décide de s’engager en politique. D’abord à l’échelon local, comme conseil municipal à Salvador de Bahia, puis au sein du parti écologiste brésilien. En 2003, il devient ministre de la culture de Lula. Exemple rarissime d’un chanteur mondialement connu appelé à jouer un rôle politique de premier plan. Cela le conduira d’ailleurs parfois à un drôle de mélange des genres comme à la tribune de l’ONU, où il entame un concert impromptu avec le secrétaire général Kofi Annan aux percussions :

L’ombre au tableau dans cette carrière très engagée, c’est le silence de Gilberto Gil pendant les années Bolsonaro. Une fois retiré de la vie politique, on lui a beaucoup reproché de ne pas avoir pris position publiquement contre les dérives du président d’extrême-droite, contrairement à d’autres stars de son envergure comme Caetano Veloso ou Chico Buarque. Cette dernière période a quelque peu terni sa légende au Brésil. Mais à 81 ans, au moment où il tire sa révérence, on préfère retenir d’abord ses combats, ses engagements caritatifs – nombreux et authentiques – et sa contribution au rayonnement de la musique brésilienne dans toute sa diversité.