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Reiser (1941-1983) : "Je dessine le pire parce que j’aime le beau"


Dessinateur solaire, Reiser a croqué la société française dans les pages d’Hara Kiri et de Charlie Hebdo, inventant un trait minimal et libertaire. Ses dessins, féroces de tendresse et d’humour, restent encore aujourd’hui un antidote à la morosité.


Jean-Marc Parisis Écrivain
Michèle Reiser Réalisatrice et épouse de Reiser
Frantz Reiser Fils de Reiser
Delfeil de Ton Écrivain, chroniqueur
Joann Sfar Dessinateur, auteur de bandes dessinées et réalisateur
Marie Morelle Dessinatrice de presse
Mario Botta Architecte



   
Provient de l'émission
Toute une vie

Au programme
  • Attention, certaines images peuvent heurter les personnes sensibles.

    Mon boulot, c'est de dessiner, pas de parler. Et puis je suis trop timide, trop complexé au départ ; moi, je viens d’une famille de prolos… Et d’ailleurs, c'est peut-être à partir de là que j’ai fait du dessin. Car, là, je suis à égalité avec tout le monde… Reiser

    Né en 1941 dans une Lorraine occupée par l'Allemagne, Reiser passe son enfance en pension chez des paysans normands. Il y fait l’expérience d’un monde qui le marquera, autant pour l’agriculture écologique qui s’y pratique que pour la vie des animaux, qu’il utilisera plus tard dans ses fables picturales. À 12 ans, Reiser rejoint sa mère à Paris et mène avec elle une existence modeste, observant toujours du coin de l’œil les rapports humains et les classes sociales, qu’il recrachera sur planches des années après. Le manque d’argent l’oblige à abandonner ses études et il travaille un temps aux vins Nicolas en tant que grouillot. Mais sa vie bascule quand il rencontre Cavanna et le Professeur Choron, qui s’apprêtent à créer le journal Hara Kiri. Ces derniers décelent le talent et l’imagination extraordinaire du jeune homme, même si ses dessins sont encore balbutiants.

    Dans les pages de ce journal, il trouve son rythme dès 1963 et invente un trait nouveau, à la fois minimal et libertaire. Reiser dessine sur des thèmes divers et variés : le quotidien des gens, les enfants, les vieux, les changements sociétaux, le féminisme, l’architecture, les couples, les phantasmes, l’aviation… Lors de la première interdiction d’Hara Kiri en 1966, il part dessiner chez Pilote, dirigé alors par René Goscinny, affutant ses scénarios et son trait. Il retourne ensuite auprès de Cavanna et Choron qui relancent Hara Kiri, devenu plus tard Charlie Hebdo. C’est alors le temps d’une bande de dessinateurs et d’auteurs géniaux parmi lesquels Wolinski, Cabu, Delfeil de Ton, Gébé...

    Les gens de Charlie Hebdo, c’est plus que de l’amitié, c’est une espèce de famille. Reiser

    À partir des années 70, Reiser devient une des figures de proue de l’équipe, multipliant les unes et les planches hilarantes. Chroniqueur à l'imagination fertile, il est du côté des luttes féministes, des énergies nouvelles, fustigeant l’absurde et le médiocre, tapant sur tout le monde, mais toujours avec humour et finesse. S’il se paye la tête des politiques (Pompidou, Nixon…) dans la ligne de son journal, sa priorité est ailleurs, il scrute les boyaux de la société, l’homme moderne, croquant les animaux façon La Fontaine. Reiser publie également de nombreux albums à succès, inventant les inoubliables anti-héros Mon papa, Le Gros Dégueulasse, Jeanine, La Famille Oboulot…
    Star du dessin, ami de Coluche et invité sur les plateaux télé, le dessinateur reste avant tout un solitaire qui ne s’arrête jamais de travailler. Visionnaire sur certaines questions, il se passionne pour les énergies solaires et les maisons autonomes, dessinant sur ces sujets dans le journal écolo La Gueule Ouverte.

    Avec le déclin de Charlie Hebdo à la fin des années 70, il collabore avec d’autres publications comme Le Monde ou le Nouvel Obs, et là encore ses caricatures font mouche. La maladie vient le faucher avec traîtrise alors qu’il est au sommet de sa gloire. Si Reiser nous a quitté beaucoup trop tôt un jour de novembre 1983, ses dessins résonnent encore aujourd’hui par leur justesse et de nombreux dessinateurs revendiquent son héritage.

    C’est quand je suis resté longtemps chez moi que les idées se mettent à jaillir brusquement… L’idée jaillit. C’est un flash qui arrive. C’est les grands plaisirs de la vie pour moi. Quand j’ai réussi à trouver une idée qui va plaire à des milliers et des milliers de gens, c’est prodigieux. Reiser

    Bibliographie sélective

    • Reiser, Jean-Marc Parisis (Grasset, 2003)
    • Bête et méchant, François Cavanna (Le Livre de poche, 1981)
    • Le Pire de Hara Kiri : 1960-1985, François Cavanna, Georges Wolinski, Delfeil de Ton, Jean-Marie Gourio et Jackie Berroyer (Hoëbeke, 2010)
    • Reiser, monographie dirigée par Jean-Marc Parisis (Glénat, 2013)

    Archives Ina

    • Mi-fugue, mi-raisin (France Culture, 21 juin 1980)
    • Le tribunal des flagrants délires (France Culture,  8 novembre 1982)
    • Radioscopie (France Inter, 15 octobre 1980)
    • Le Magazine (France Inter, 7 novembre 1982)
    • Le journal de 20h (Antenne 2, 5 novembre 1983)
    • Le journal de la nuit (France 2, 24 janvier 2003)

    Musiques

    Extraits de : L'écho des Savanes, Marcel Dadi - La testiculance, Professeur Choron - Bique et bouc, Professeur Choron - Les Valseuses, Stéphane Grappelli - On n'est pas là pour se faire engueuler, interprété par Coluche et le grand orchestre du Splendid - Qui est responsable, François Béranger - Le monde change de peau, Alain Souchon - Nue au soleil, Brigitte Bardot - Porque te vas, interprété par Chihuahua - Mon bistrot préféré, Renaud

    Actualité

    Générique

    Un documentaire d'Amaury Ballet, réalisé par François Teste. Coordination, Christine Bernard. Documentaliste Ina, Denis Forget. Attachée de production et édition web, Sylvia Favre-Steyaert.

Illustration
Toute une vie carré
Photographie
  • Radio France
Copyright
  • Radio France
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