Difficile de définir le populisme. Le philosophe et historien des idées, Isaiah Berlin, notait en 1967 "qu'une seule formule couvrant tous les populismes du monde ne serait pas très utile. Plus la formule est générale, moins elle est précise. Plus la formule sera précise, plus elle sera exclusive". Mais il indiquait aussi que le "peuple authentique, victime d'une élite, qu'elle soit économique, politique ou raciale, et d'un ennemi dissimulé ou affirmé" était une idée au cœur de cette expression du pouvoir politique, comme le recense journal libéral Contrepoints. Le penseur argentin Ernesto Laclau voit lui dans le populisme plus une stratégie qui doit embrasser la notion de "peuple", qu'une manière d'appliquer le pouvoir sur le long terme. Une théorie qui a largement influencé les mouvements politiques de gauche en Amérique du Sud, mais aussi en Espagne et en France.
Qu'en est-il en Europe de l'Est ? Depuis plusieurs années, les mouvements qui se définissent comme populistes, ou bien faisant la promotion de l'illibéralisme, comme Victor Orbán, premier ministre depuis le 29 mai 2010, remportent des succès dans les urnes. Si les explications de ce phénomène sont diverses, la question démographique ne doit pas être mise de côté. Selon plusieurs experts en études statistiques des populations humaines, entre 15 et 18 millions de citoyens d'Europe centrale et orientale vivent en Europe de l'Ouest. Le 12 juin, l'Institut national des études démographiques (INED), publiait une étude qui montrait que les 11 anciens pays communistes avaient perdu 7% de leur population depuis 1989, tandis que celle du reste de l'Europe avait augmenté de 13%.
Vieillissement de la population, départ des forces vives, natalité en berne mis en opposition avec une immigration jugée trop importante, voire dangereuse par les droites ultraconservatrices : les problématiques qui touchent actuellement cette partie de l'Europe méritent d'être analysées. Quelles sont les conséquences politiques de la démographie ? Comment les populistes qui ont le vent en poupe utilisent-ils ces données ?
Avec Agnieszka Fihel, chercheure à l’Université de Varsovie, à l’université de Versailles et de Saint-Quentin en Yvelines, Jacques Rupnik, directeur de recherches au CERI de Sciences-Po et spécialiste des problématiques de l'Europe centrale et orientale**, Marc Lazar,** directeur du Centre d’histoire de Sciences-po, et au téléphone, François Héran, professeur au Collège de France sur la chaire Migrations et sociétés, et Ivan Krastev, politologue bulgare, auteur de "Le destin de l'Europe" (Premier Parallèle, 2017).