Désormais, le Mexique, le Guatemala l'Equateur ou le Pérou interviennent au nom de la sauvegarde de leur patrimoine.
Dans 99,9 % des cas, les objets proviennent de pillages de sites et sont sortis de leur contexte. Ce sont des objets orphelins. On peut restituer par leur typologie ou leur dessin, la culture à laquelle ils appartiennent (un vase Maya de tel ou tel siècle ou de telle ou telle évolution de la culture maya ou aztèque par exemple). Mais évidemment, il n'y a plus le contexte : ce sont des objets sans histoire. Et pour les archéologues (que nous sommes), c'est là que commence le premier drame.
L'Amérique latine est l'objet d'un très intense pillage de son patrimoine précolombien. A la base, sont les huaqueros, les pilleurs de tombes… Qu'en est-il de la circulation de ces collections archéologiques provenant des Amériques, du pillage de sites, du trafic illicite, de la traçabilité des objets ? De ce patrimoine mis aux enchères, parfois acquis par les musées, que penser des faux et copies, comme du caractère sacré ou non de ces pièces ?
Les pillages de sites, en Amérique latine, c'est une longue tradition. On pourrait même dire qu'elle a démarré avec la conquête des Amériques. Les premiers conquistadors ont commencé par piller l'or et les sépultures à la recherche de l'eldorado et de la richesse. Puis, c'est devenu, en Amérique latine, un véritable commerce, avec des véritables spécialistes, les huaqueros. Ce sont des personnes, aussi bien au Mexique, au Pérou, en Équateur, qu'en Colombie, souvent des paysans qui sont devenus de véritables spécialistes de l'archéologie, qui vivent, en fait, de piller les sites, les tombes et qui revendent leurs butins au marché noir.
Nous en parlons, aujourd'hui, avec André Delpuech, conservateur général du patrimoine français, directeur du musée de l'Homme (depuis le 10 avril 2017), après avoir été responsable des collections des Amériques au musée du quai Branly.
La Convention de l'Unesco qui réglemente le trafic des objets archéologiques de manière générale, date de 1970. Il faut déjà rappeler qu'elle n'a été ratifiée par la France qu'en 1997. En clair, cela veut dire que, pour un objet dont on a la preuve qu'il circule en Europe et en France, en particulier avant cette date, la convention est inopérante. D'autre part, l'éternel problème est celui du pédigrée des objets. Et souvent, malheureusement, on n'a pas cette origine vraiment précise ou bien, on est dans le flou. Souvent, les vendeurs ou les marchands nous disent, comme par hasard, que cet objet est rentré en Europe avant 1970, et, comme par hasard, avant la convention de l'Unesco !
On pourrait citer des exemples de zones pillées de manière dramatique sur les déserts de la côte ouest du Pérou, le long de la côte Pacifique. Le climat est tellement sec et la géologie du terrain est tellement exceptionnelle que tout est conservé. [...] Et c'est une catastrophe de se promener sur ces sites là : on est dans le désert et il y a partout les cratères des huaqueros, c'est-à-dire qu'ils ont fait des trous partout. C'est l'éternel problème de destruction des sites : quand les archéologues passent, ils ne trouvent que les restes et en général, évidemment, ils ne trouvent que ce que les pilleurs ont bien voulu laisser. [...] On laisse tomber le reste. Ce n'est pas important. Ce qu'on veut, c'est trouver le trésor qui va rapporter de l'argent.
Pour aller plus loin
A lire, la page wikipédia d'André Delpuech
A visiter, le site du Musée de l'Homme, situé à Paris
A découvrir ou re-découvrir, la culture de Valdivia (Wikipédia)
A parcourir, le portail de l'Amérique Précolombienne (Wikipédia)
A lire, un article sur les huaqueros "pilleurs de tombes"
On sait d'ailleurs qu'en Amérique latine, un certain nombre de cartels liés à la drogue trafiquent aussi des objets archéologiques. Il y a même quelques anecdotes savoureuses de cocaïne cachée dans des céramiques précolombiennes. Là, pour le coup, on fait d'une pierre deux coups, si je puis dire. On transporte la drogue et la céramique !
1ère diffusion le 5 novembre 2016.