L'expression "l'école de la vie" pose la question suivante : est-ce l’école qui doit nous apprendre à vivre ou bien est-ce la vie qui est une école ? Joëlle Zask, spécialiste de la philosophie de John Dewey, philosophe pragmatique et Michel Fabre, spécialiste de la philosophie de l'éducation, notamment l'apprentissage par problématisation sont les invités de cet épisode d'"Avec philosophie".
Education versus instruction
Il semble important de distinguer l'éducation de l'instruction. L'école de Jules Ferry, cette école de la Troisième République est beaucoup plus inquiète d'instruire que d'éduquer or ça laisse beaucoup d'enfants, de jeunes au bord du chemin, observe Joëlle Zask. Elle reprend l'idée du philosophe John Dewey, théoricien de l'éducation par l'expérience, qui pose le postulat d'éducabilité comme fondement de l'enseignement.
La culture n'est pas qu'une affaire de travail, c'est plutôt une affaire de jeu. On voit que les petits enfants jouent à apprendre, par exemple dans l'apprentissage de la langue. Partir de l'observation des pratiques de l'enfant, c'est une des pistes des pédagogues de l'école nouvelle comme Célestin Freinet ou Maria Montessori.
Le développement harmonieux de l'enfant
Maria Montessori va s'occuper justement du développement de l'intelligence par l'intermédiaire d'une pratique des sens et d'une gestuelle orchestrée à la fois par les attentes du monde extérieur et les désirs de l'enfant ou ses pulsions. Chez Montessori, par exemple, l'idée d'un apprentissage par le faire est intrinsèquement présent.
L'enjeu de la démocratie est au cœur de l'éducation et de deux visions qui s'affrontent à l'époque. D'une part, l'éducation ou l'instruction très conservatrice qui consisterait à considérer l'élève comme le réceptacle d'un savoir qu'on lui insuffle de l'extérieur et qu'on va graver en quelque sorte dans son cerveau en le contraignant à la passivité, à la réceptivité, et puis à l'opposé, la croyance que l'enfant va se développer harmonieusement pour peu qu'on le laisse tranquille.
Problématiser le savoir pour mieux apprendre
Michel Fabre nous explique que les pédagogues comme Dewey, mais aussi Freinet et d'autres ont essayé finalement de mettre de l'éducation dans l'instruction, de faire une synthèse entre l'éducation et l'instruction en faisant participer les élèves à l'effort de construction des problèmes.
On pose le problème, on construit le problème, on cherche des solutions, alors il y a la possibilité de joindre instruction et éducation. Problématiser rend le savoir vivant, ça part d'une idée sur la théorie de la connaissance selon laquelle le savoir est à la fois une construction du problème et puis une résolution du problème, tout savoir est le résultat d'une enquête, comme dirait John Dewey.
Bibliographie :
- Joëlle Zask, La Démocratie aux champs, Paris, La Découverte, 2016.
- Joëlle Zask, Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique, Paris, Premier Parallèle, 2019. Prix Pétrarque de l’essai décerné par France Culture en 2020.
- Joëlle Zask, Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville, Paris, Premier Parallèle, 2020.
- Joëlle Zask, Écologie et démocratie, Paris, Premier Parallèle, 2022.
- Michel Fabre, Éducation et Humanisme : Lecture de John Dewey, Paris, Vrin, 2015.
- Michel Fabre, Penser la formation, Paris, éditions Fabert, collection Pédagogues du monde entier, 2015.
- Michel Fabre, Qu’est-ce que problématiser ?, Paris, Vrin, collection « Qu’est-ce que ? » 2017.
- Michel Fabre, Un avenir problématique. Éducation et responsabilité d’après Hans Jonas, Dijon, éditions Raison et Passions, 2021.
Références sonores :
- Archive de George Steiner, interview par Antoine Spire, France Culture, 1997
- Lecture par Manon de La Selle d'un extrait de John Dewey, chap. XX, Démocratie et éducation (1916), dans Démocratie et éducation. Suivi de Expérience et Éducation. éditions Armand Colin, 2018, p.362-363.
- Archive de Ivan Illich, interview par Roger Caan, France Culture, 1972
Le Pourquoi du comment : philosophie
Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.