Pionnier de la recherche et de la conservation des films, Henri Langlois (1914-1977) est l’un des fondateurs de la Cinémathèque française, un organisme de mémoire admiré des cinéastes du monde entier, au rayonnement international. Véritable passionné, sa devise était "Tout garder, tout conserver ; tous les films sont libres et égaux en droits", ce qui conduira la Cinémathèque à gérer plusieurs dizaines de milliers de films. Pour mener à bien un tel projet, il fallait un caractère bien trempé et ne pas se soucier de rentabilité commerciale. Henri Langlois s’attira bien des inimitiés, qui allèrent jusqu’à son renvoi (provisoire) en 1968 par André Malraux, ministre de la Culture.
Neuf ans après la mort de Langlois, à l’occasion du cinquantenaire de la Cinémathèque française, paraissaient deux ouvrages sur lui : Trois cents ans de cinéma : écrits, textes réunis et présentés par Jean Narboni, et Henri Langlois, premier citoyen du cinéma, signé par son frère Georges et Glenn Myvent. L’occasion pour les "Nuits magnétiques" de réunir en ce 14 octobre 1986, outre Jean Narboni et Georges Patrick Langlois, le cinéaste et cofondateur de la Cinémathèque française Georges Franju, Françoise Jobert, collaboratrice de Langlois et Yvonne Dornès, cofondatrice de la Cinémathèque (et directrice de 1977 à 1987), pour évoquer quelques traits marquants d’Henri Langlois.
L’œuvre de Langlois
Georges Franju n’hésite pas à égratigner la légende… "Par certains côtés, Langlois n’était pas quelqu’un de bien du tout. Pour moi, c’est un type pathétique, sa vie est un drame effroyable. Mais il fallait être comme ça pour faire la Cinémathèque, sa seule passion, sinon il n’y serait jamais arrivé. Si on veut connaître Langlois, alors voyons son œuvre : la Cinémathèque. C’est ça, Langlois. La plus belle image qu’on peut donner de lui, c’est ce qu’il a fait."
Un ouvrage où tout est vérifié ?
Georges Patrick Langlois décrit l’élaboration de l’ouvrage biographique qu’il a consacré à son frère : "Pour l’élaboration de ce livre, en tant que frère d’Henri, je disposais à la base d’une documentation extraordinaire. J’ai aussi recueilli des interviews d’un certain nombre de personnes éparpillées dans le monde entier, grâce à Glen Myrent. Avec lui et mon fils, nous avons fait un ouvrage où tout est véridique, chaque point peut être vérifié."
Françoise Jobert relève toutefois une erreur, également remarquée par Georges Franju : "Le livre évoque la destruction d’une collection de films stockée par Langlois au château de Coucy lors d’un bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale. Le château a bien été bombardé… mais lors de la guerre précédente !".
Une remise en question des cinéastes
Jean Narboni revient sur le principe de non-sélection appliqué à la conservation des films : "Cela ne veut pas dire que Langlois n’avait pas de principes, au niveau de la programmation, avec des parti-pris bien fondés. Ce qui entraînait parfois des formulations un peu rugueuses, et des réactions face à une remise à leur juste place des hiérarchies entre les cinéastes. Le personnage était compliqué. Une tentative de biographie de Langlois ne peut que provoquer des crispations, on est sûr de se faire des ennemis… Dans la mesure où on touche quelque chose qui relève du mythe, qui a un caractère sacré il faut bien le dire, immédiatement on est contesté, on heurte, on blesse."
- Par Denise Luccioni
- Avec Henri Langlois, Georges Franju, Françoise Jobert, Jean Narboni, Georges Patrick Langlois et Yvonne Dornes
- Musiques et extraits de films : Le Schpountz, Marcel Pagnol ; L’Atalante, Jean Vigo ; Le Mépris, Jean-Luc Godard
- Nuits magnétiques - Gros plan sur Henri Langlois (1ère diffusion : 14/10/1986)
- Edition web : Valérie Ernould, Documentation de Radio France
- Archives Ina-Radio France