Après la brutalité des combats, après le labeur des négociations qui peuvent se prolonger pendant plusieurs années en coulisses, retour en archives sur ce moment très particulier réglé par des rituels millimétrés : la signature des accords et des traités de paix. Rituels qui, selon Nicolas Offenstadt manifestent une certaine constance : "Dès le Moyen Âge, il y a l'idée de dire que l’on fait aussi la paix pour la montrer. Pour montrer que l’on est un bon souverain, que l’on est attentif aux souffrances de son peuple. Même si la paix n'arrête pas la guerre, il y avait toute une mise en scène de son annonce, qui était souvent aussi importante que la paix elle-même. Les médias n’étaient alors pas les mêmes : c'étaient des crieurs publics, des affiches, des feux de joie ou les cloches d’églises. Cette médiatisation de la paix va redoubler avec le développement de nouveaux médias : la presse, la radio, la télévision, le web."
Que peut-on et que veut-on en montrer ? Quels mots prononcer, quel geste faut-il faire pour exprimer la valeur symbolique de l’instant ? Reprend-on à la lettre une tradition séculaire ou invente-t-on une nouvelle forme pour en souligner le caractère inédit ? "Au Moyen Âge, les traités étaient lus en place publique dans tout le royaume, et des messagers étaient envoyés dans tous les royaumes pour faire lire les textes et traités de paix des souverains" rappelle Nicolas Offenstadt.
Plus près de nous, l’historien cite les mémoires de Roland Dumas pour raconter les coulisses d’un geste resté dans l’histoire, celui d’Helmut Kohl et de François Mitterrand à Verdun : "S’il y avait bien l'idée de faire quelque chose, cela n'a pas empêché l'émotion. On savait qu'il faudrait qu'il y ait un geste significatif. Un geste qui dise que cette rencontre avait une puissance particulière."
En compagnie de l’historien Nicolas Offenstadt, qui a exploré les manières de faire la paix au Moyen Âge, mais également travaillé sur la Première Guerre mondiale et l’histoire plus récente de l’Allemagne, nous scrutons quelques-unes de ces cérémonies, en particulier la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 et celle du traité israélo-jordanien le 26 octobre 1994.
Un documentaire de Marie Chartron, réalisé par Franck Lilin.
Avec :
Nicolas Offenstadt, historien (Université Panthéon-Sorbonne), dont les thèmes de recherches portent entre autres sur le Moyen Âge, la Première Guerre mondiale et la RDA.
Archives :
- Soyez témoin, Souvenir de la signature du traité de Versailles, radiodiffusion française, 13 juin 1956
- BBC, émission du 10 avril 1998 sur le Good Friday Agreement – accords de paix du Vendredi saint pour l’Irlande du Nord
- Signature du traité de paix israélo-jordanien le 26 octobre 1994
- Signature des accords de paix en Bosnie, Inter soir, 19 h, France Inter, 14/12/1995
- Archives politiques de mai 1945 : fêtes de la Victoire à Londres, Collection : RDF / RTF / Autres (1949-1963), Date d'enregistrement : mardi 01/05/1945, Journaliste, Crenesse, Pierre ; Journaliste, Elina, Lise
- Esquisses et portraits, Louise Weiss, Date de diffusion : 15/11/1978, Radio France Internationale, journaliste : Noël, Jean-François
- Réactions aux accords de paix sur la Bosnie-Herzégovine, le 14 décembre 1995, Archives Associated Press
Bibliographie :
- Nicolas Offenstadt, Faire la paix au Moyen Âge, Odile Jacob, 2007
- André Loez, Nicolas Offenstadt, La Grande Guerre, Albin Michel, 2013
- Pierre Grosser, Traiter avec le diable ? Les vrais enjeux de la diplomatie au XXIe siècle, Odile Jacob, 2013
- Pierre Grosser, L'histoire du monde se fait en Asie. Une autre vision du XXe siècle, Odile Jacob, 2019
- Joseph Alton Sladen, Faire la paix avec Cochise - Journal de 1872, Éditions du Rocher, Coll. Nuage rouge, 2016
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