L'histoire de la conscience, selon Charles Pépin
"Je voudrais ce matin vous raconter l’histoire de la conscience, ou plutôt, l’histoire d’un homme. Un scientifique, un chercheur en neurosciences dont la passion, l’objet de toutes les recherches, et ce depuis des années, des décennies même, est la conscience. Qu’est-ce que la conscience ? De quoi avons-nous conscience quand nous avons conscience ? Notre conscience est-elle le produit de notre activité cérébrale ? Pour lui, et ce depuis des années, la réponse est clairement : oui.
Le cerveau, c’est 85 milliards de neurones à peu près, beaucoup plus de synapses encore qui assurent les connexions entre ces neurones, une folle activité électrique, une capacité à se régénérer sans fin qu’on appelle la plasticité cérébrale. Le cerveau et ses pouvoirs l’éblouissent tant qu’il en vient logiquement à voir la conscience comme une sorte de conséquence, d’excroissance, d’effet émergent de l’activité du cerveau.
Jusqu’au jour où quelque chose le trouble. C’est un matin, très tôt, le jour se lève, la vallée devant ses yeux s’étend à perte de vue. Il médite comme il le fait depuis des années. Comment qualifier cette impression ?
Il avait bien sûr lu certains écrits bouddhistes évoquant ce qu’il est en train de vivre, mais là, il l’éprouve dans tout son corps, comme une présence, comme une évidence. Il a l’impression de retrouver un état de conscience premier, et de le retrouver d’autant plus qu’il utilise justement moins son cerveau.
Et cette présence porte une idée : et si la conscience était première ?
Elle ne serait alors pas l’expression de l’activité cérébrale mais sa condition de possibilité, la conscience s’exprimerait au travers de cette activité cérébrale sans être produite par le cerveau. Et cela expliquerait aussi que la conscience puisse continuer à exister même quand le cerveau ne fonctionne plus.
Il commence alors à se renseigner sur les expériences de mort imminente, les expériences de vécu subjectif, de contact avec un défunt, sur ce que racontent des patients en fin de vie, comment ils sentent la conscience d’un défunt qui les attend, s’apprête à les accueillir… ? Les chiffres sont surprenants, les études à ce sujet très carrées, sérieuses, scientifiques, il ne s’agit pas de quelques cas isolés…
Le point commun de toutes ces expériences ? Elles donnent à penser une conscience indépendante de l’activité cérébrale, c’’est à cela qu’il songe, et même qu’il ne songe plus en reprenant sa méditation, en se plongeant à nouveau dans la contemplation de la vallée…
Pour en parler ce matin, de la conscience et de toutes ces expériences au cœur desquelles notre conscience semble pouvoir s’émanciper de notre activité cérébrale, j’ai la joie de recevoir Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, auteur récemment chez Albin Michel d’une somme consacrée à ce sujet, Cette vie… et au delà, enquête sur la continuité de la conscience après la mort.
Christophe Fauré donc, qui nous a rejoint ce matin, bien conscient et bien vivant, dans la fascinante caverne de France Inter, sous le soleil de Platon, pour nous aider à nous ouvrir à cette surprenante question : Et si notre conscience n’avait pas besoin de la matière de notre cerveau pour exister ? Qu’est-ce que notre conscience ?"
Le livre
Cette vie… et au-delà. Enquête sur la continuité de la conscience après la mort est paru le 2 novembre 2022 chez Albin Michel. Cet ouvrage est une enquête sur la continuité de la conscience après la mort en s'intéressant à trois expériences récurrentes : les "expériences de mort imminente" (EMI), les "expériences de fin de vie" (EFV), les "vécus subjectifs de contact avec un défunt" (VSCD).
Extraits de l'émission
"La physique quantique nous apprend que le phénomène dépend aussi de son observation. Alors, on comprend que la conscience est première et la matière procède de la conscience. Ces constats d'EMI, d'EFV ou de VSCD vont en ce sens."
"Les personnes ayant vécu une expérience de mort imminente (EMI) en reviennent souvent changées et en retiennent deux notions majeures : l'importance la dimension d'amour et la dimension de sagesse, peu importe leur culture. L'union de la sagesse et de la compassion serait le but ultime. Et cela est le postulat majeur du Bouddhisme."
"L'intérêt fondamental de ces expériences de fin de vie, c'est la compréhension de ce qu'il reste à accomplir ou vivre sur terre"
"Il n'y a aucune étude scientifique qui prouve que de la matière produit de la conscience, rien ne peut permettre de dire qu'il y a une causalité entre activité neuronale et conscience. Pourtant, cela devient le fondement des objections face à ces expériences."
"L'histoire de la science est faite de changements de paradigme. On tend là vers un changement de paradigme."
"Pour sortir de la fascination, il y a des enseignements pour accompagner les personnes qui vivent ces expériences. Les personnes peuvent se référer à ces études et y trouver un écho à leur vécu. C'est de l'ordre du réconfort, d'une réassurance."
"Quelle barbarie de ne pas croire aux âmes - à l'immortalité des âmes! quelle imbécile vérité que le matérialisme". Roland Barthes, le 13 juillet 1978, Journal de deuil.
Programmation musicale
Bitter Sweet Symphony* de The Verve
La Route* d'Arthur H