Médiathèque Georges Brassens

Avec l'avènement des bains de mer, de nouveaux usages du corps se sont développés sur les plages françaises entre les années 1920 et 1970. Sans que personne n'ait véritablement conçu ou inventé une manière de manière estivale de porter son corps, des normes collectives se sont progressivement mises en place : dans l'ajustement de chacun au comportement des autres, un jeu de dénudation s'est progressivement instauré, variant sans cesse la limite de ce qu'il convient de dévoiler ou non. Ainsi, en-deçà d'un mythe projetant dans la nudité estivale l'affirmation de la liberté individuelle et une pleine acceptation à "être enfin soi-même", les corps d'été sont bien l'objet de jeux politiques produits par les luttes au sein du monde social.

Depuis les méfiances premières vis-à-vis du soleil, des microbes ou des épidémies quand les loisirs balnéaires se développent au début du XXe siècle, ou au contraire les défenses des bienfaits du grand air pour les enfants et bientôt pour la population dans son entier, les divers plébiscites ou infortunes du bronzage, l'établissement de colonies de vacances par des organisations syndicales ou socialistes au début du siècle, ou enfin les critiques formulées par le féminisme ou l'anticapitalisme, les corps d'été ne cessent donc jamais d'être socialement calibrés. Ainsi les pratiques des plages nous racontent-elles l'évolution au cours de ce siècle des rapports sociaux aux sport, aux valeurs de "naturel" ou de "simplicité", au loisir, à l'artificialité, au sport…

C'est à un détail de cette grande histoire du XXe siècle que Romain de Becdelièvre s'intéresse pour sa dernière chronique de la saison : l'élégance estivale de Jean-Louis Trintignant dans une foule de danseurs timides traverse sa Pièce jointe.

L'invité

• Christophe Granger est historien et sociologue, et maître de conférences à l’université Paris-Saclay. Il est l’auteur de La Destruction de l’université française, paru aux éditions de La Fabrique, en 2015, et il a reçu le Prix Femina Essai en 2020 pour Joseph Kabris ou Les possibilités d’une vie : 1780-1822 paru chez Anamosa, maison d'édition où il a également signé La Saison des apparences - Naissance des corps d'été en 2017.