Dans les études sur la sécurité, principalement hors de France, un nouveau concept s’est imposé : la « sécuritisation ». Ce terme désigne l’acte de langage par lequel un problème politique est identifié et traité comme enjeu sécuritaire.
La récente loi sur le séparatisme en offre un bon exemple mais il y en a beaucoup d’autres. D’où la nécessité de faire le point sur cette notion que fera Esprit de justice en compagnie de :
Thierry Balzacq, professeur à Sciences Po, titulaire de la chaire Tocqueville en relations internationales à l’université de Namur (Belgique) et Sarah Perret, chercheuse à la chaire géopolitique du risque à l’ENS et chercheuse associée au département de War studies à King’s College à Londres.
La sécuritisation, c'est l'ensemble des processus à travers lesquels un enjeu social, public, est élevé au rang d'enjeu de sécurité, avec tout ce que cela peut entraîner. Par exemple, la question du traitement dans l'urgence est un élément propre à la sécuritisation. En une phrase, c'est la transformation fonctionnelle d'un problème en enjeu de sécurité. Ce problème aurait pu être traité dans d'autres termes mais on choisit de le présenter comme un enjeu de sécurité, entraînant une grammaire et des pratiques tout à fait singulières. Thierry Balzacq
Parfois, la sécuritisation peut être utile pour faire émerger des problèmes qui étaient jusqu'alors cachés ou du moins, très peu évoqués. Je pense, notamment, à des questions de santé et l'exemple emblématique du sida qui - à un moment donné - a réussi à bénéficier de ce processus de sécurisation à l'échelle internationale. Sarah Perret
La "grammaire" de la sécuritisation repose sur trois piliers. Le premier c'est qu'avec la sécurisation, il y a une oligarchie de la prise de décision, tout se prend dans un cercle très restreint. Le deuxième, c'est la clôture des options politiques : quand on sécuritise, on se prive - volontairement ou involontairement - de saisir les autres significations et les autres chaînes causales des phénomènes de sécurité. Enfin, il y a une restriction drastique de la délibération publique : on ne délibère plus car les termes du débat sont posés par la déclaration de danger sécuritaire. Thierry Balzacq
Selon moi, il y a eu un basculement du sujet de la sécuritisation qui était focalisé sur la figure de l'immigré et qui est en train de se reconfigurer en direction du citoyen naturalisé, surtout au sein des sociétés dites occidentales. Il y aurait ce constat selon lequel les menaces potentielles pourraient émaner non plus seulement du migrant ou de l'étranger, mais également du français. Sarah Perret
Pour en savoir plus
Sur Thierry Balzacq
• Sa page sur le site du centre de recherches internationales de Sciences Po
• Ses publications sur le site Cairn.info
Sur Sarah Perret
• Sa page et ses publications sur le site de l'École Normale Supérieure (présentation en anglais, publications en français et/ou anglais)
• Le site du Département de War studies du King's College (en anglais)
• Le site de l'Observatoire Collaboratif du Terrorisme, de l’Antiterrorisme et des Violences - OCTAV
• L'analyse du risque politique sous la direction d'Adib Bencherif et Frédéric Mérand aux Presses universitaires de Montréal (mars 2021) dont Sarah Perret signe le chapitre 10 : "L’action législative : un outil de gestion du « risque terroriste » ?"
• "Les effets de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation sur les populations musulmanes en France", étude (citée dans l'émission) co-écrite par Sarah Perret, Francesco Ragazzi, Stephan Davidshofer et Amal Tawfik
Choix musicaux
Morceau choisi par Thierry Balzacq : "Respire" par Gaël Faye - Album : Lundi méchant - Label : Excuse My French (2020)
Morceau choisi par Sarah Perret : "12 Septembre 2001" par Abd Al Malik - Album : Gibraltar - Label : Universal Music Division Barclay (2006)